Le cours est une version à visée pédagogique et pratique, qui expose les notions contenues dans mes articles Une classe de concepts et Le plan dialectique : pour une alternative au paradigme, publiés dans la revue Semiotica. Il s’agit d’une méthode pas-à-pas, accompagnée d’exercices, afin d’apprendre à réaliser un plan dialectique, à l’aide des matrices de concepts.
Comparaison de deux outils conceptuels : le carré sémiotique et les matrices de concepts
Paul Franceschi
Fontaine du Salario
lieu-dit Morone
20000 Ajaccio
France
paul@paulfranceschi.com
Dans ‘Une Classe de Concepts’ (Semiotica, 2002), j’ai présenté une théorie des matrices de concepts, qui visait à fournir une alternative au carré sémiotique de Greimas. Dans le présent document, j’effectue une comparaison entre le carré de l’opposition et les matrices de concepts. Tout d’abord, je teste la construction résultant des deux outils conceptuels alternatifs par rapport à trois concepts paradigmatiques : l’amour, la haine et l’indifférence. J’applique d’abord le carré sémiotique à la triade amour-haine-indifférence. Je regroupe ensuite les concepts issus du carré sémiotique dans un cadre qui convient mieux pour réaliser des comparaisons. J’utilise aussi les matrices de concepts avec la même association triadique de concepts. D’autre part, j’étends l’analyse précédente à une autre paire de concepts paradigmatiques opposés : masculin/féminin. Je mets finalement en correspondance les deux séries de concepts qui en résultent, mettant ainsi en lumière les points communs et les différences entre les deux outils conceptuels.
Dans ce qui suit, je m’attacherai à effectuer une comparaison entre d’une part le carré sémiotique et d’autre part, les matrices de concepts introduites dans Franceschi (2002). La comparaison entre les deux outils conceptuels sera effectuée par rapport à un triplet de concepts (amour-haine-indifférence), puis à une paire de concepts (masculin-féminin).
1. Les matrices de concepts
De manière préliminaire, il est utile de décrire les éléments essentiels du cadre formel qui a été décrit de manière détaillée dans Une classe de concepts (2002). Soit tout d’abord une dualité donnée. Celle-ci peut être dénotée par A/Ā, où A et Ā constituent des concepts duaux. On peut considérer également que A et Ā sont des concepts qui possèdent une composante contraire c, de sorte que c[A] = 1 et c[Ā] = -1. De même, la polarité p de A et Ā étant neutre, ces derniers concepts peuvent être dénotés par A0 et Ā0.
À ce stade, on peut définir la classe des pôles canoniques. Il suffit de considérer l’extension de la classe précédente {A0, Ā0}, telle que A0 et Ā0 admettent respectivement un concept corrélatif dont la polarité est soit positive soit négative. Les concepts qui en résultent peuvent être dénotés respectivement par {A+, A–} et {Ā+, Ā–}. Ainsi, pour une dualité donnée A/Ā, on obtient les six concepts suivants : {A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–}, que nous pouvons dénommer les pôles canoniques. Ceci conduit à distinguer entre les pôles canoniquespositifs (A+, Ā+), neutres (A0, Ā0) et négatifs (A–, Ā–). Enfin, la classe constituée par les six pôles canoniques peut être dénommée la matrice canonique : {A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–}.
Intéressons-nous maintenant aux relations existant entre les pôles canoniques d’une même matrice. Parmi les relations existant entre les six pôles canoniques (A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–), on peut mentionner : la dualité, l’antinomie et la complémentarité. Ainsi, deux pôles canoniques donnés d’une même matrice sont :
(i) duaux si leurs composantes contraires sont opposées et leurs polarités sont neutres
(ii) contraires (ou antinomiques) si leurs composantes contraires sont opposées et leurs polarités sont non neutres et opposées
(iii) complémentaires si leurs composantes contraires sont opposées et leurs polarités sont non neutres et égales
Résumons : {A0, Ā0} sont duaux, {A+, Ā–} et {A–, Ā+} sont contraires, {A+, Ā+} et {A–, Ā–} sont complémentaires.
À partir du cadre théorique ainsi défini, on est à même d’obtenir une classification des concepts comportementaux, qui est calquée sur la structure même des matrices de concepts. Parmi les concepts que cette dernière classification permet d’appréhender, on peut citer : courage, paresse, persévérance, entêtement, prodigalité, dogmatisme, modestie, etc. À titre d’exemple, la matrice à laquelle correspond le concept de courage est la suivante (une énumération plus générale de la classe des concepts comportementaux est exposée dans Franceschi (2002, note 22) :
2. Le carré sémiotique
Le carré sémiotique est un outil conceptuel destiné à l’analyse paradigmatique, qui a été développé par Algirdas Greimas (1970, 1977), et inspiré du carré logique aristotélicien. Le carré sémiotique permet d’enrichir et d’étendre l’ontologie qui se rapporte à une paire de concepts opposés. Le processus qui consiste à enrichir progressivement l’ontologie inhérente à une paire de concepts opposés, peut être décrit de la manière suivante. Soient tout d’abord les deux concepts initiaux : S1 et S2, tels qu’il existe entre ces deux concepts une relation d’opposition. Le carré sémiotique permet, dans une première étape, de construire deux autres concepts qui répondent respectivement à la définition : non-S1 et non-S2. On obtient ainsi les quatre ‘termes’ qui justifient la dénomination de ‘carré’ sémiotique : S1, S2, non-S1, non-S2. Il s’ensuit également les relations suivantes entre les quatre termes :
▪ S1 et S2 : opposition
▪ non-S1 et non-S2 : relation de sub-contraire
▪ S1 et non-S1 : contradiction
▪ S2 et non-S2 : contradiction
▪ S1 et non-S2 : complémentarité
▪ S2 et non-S1 : complémentarité
Le schéma résultant du carré sémiotique laisse également apparaître, à ce stade, six ‘axes’ différents, qui sont déterminés par les six relations précédentes :
▪ S1/S2 : l’axe des contraires
▪ non-S1/non-S2 : l’axe des sub-contraires
▪ S1/non-S1 : non dénommé
▪ S2/non-S2 : non dénommé
▪ S1/non-S2 : deixis positive
▪ S2/non-S1 : deixis négative
Dans une seconde étape, le carré sémiotique permet la construction d’une nouvelle série de concepts, associés à chacun des axes qui viennent d’être mentionnés. Cette nouvelle construction s’effectue à l’aide de l’opérateur de conjonction ‘et’, appliqué aux deux concepts correspondant à chacun des axes précités. Il en résulte six nouveaux concepts, qui correspondent aux définitions suivantes :
▪ S1 et S2 : le ‘terme complexe’
▪ non-S1 et non-S2 : le ‘terme neutre’, c’est-à- dire ni S1 ni S2
▪ S1 et non-S1 : non dénommé
▪ S2 et non-S2 : non dénommé
▪ S1 et non-S2 : la deixis positive
▪ S2 et non-S1 : la deixis négative
Parmi ces concepts, on retient essentiellement le ‘terme complexe’ et le ‘terme neutre’, qui sont le plus souvent lexicalisés. Au total, ce sont donc dix concepts (si l’on inclut les deux concepts ‘non dénommés’) que permet de construire le carré sémiotique, qui sont représentés sur la figure ci-dessous :
3. Application au triplet de concepts amour-haine-indifférence
À ce stade, il convient de s’attacher à comparer les constructions qui résultent à la fois du carré sémiotique et des matrices de concepts, à partir d’une paire de concepts opposés. Nous nous intéresserons tout d’abord à la paire amour/haine (qui sera toutefois envisagée sous la perspective plus large du triplet amour/haine/indifférence), puis à la paire masculin/féminin.
L’application des matrices de concepts au triplet amour/haine/indifférence a été décrite en détail dans Franceschi (2005). Nous résumerons ici les éléments qui résultent d’une telle application, puis nous nous intéresserons à l’application du carré sémiotique à ce même triplet. Tout d’abord, l’application des matrices de concepts au triplet amour/haine/indifférence est basée sur la notion d’englobant. Il s’agit là d’une extension des matrices de concepts, introduite dans Franceschi (2005), qui permet de construire les relations existant entre certains concepts appartenant à des matrices distinctes. On pose ainsi qu’un concept est un englobant pour deux autres concepts et si et seulement si = . Une telle définition, basée sur le ou inclusif, capture l’intuition selon laquelle est le concept minimal dont le contenu sémantique inclut celui de et de . À titre d’exemple, dans la logique trivaluée, on distingue trois valeurs de vérité : vrai, faux et indéterminé, où déterminé est un englobant pour {vrai, faux}. Soient maintenant A et E deux matrices dont les pôles canoniques sont respectivement {A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–} et {E+, E0, E–, Ē+, Ē0, Ē–}. Ces matrices sont telles que E+, E0, E– sont les englobants respectifs pour {A+, Ā+}, {A0, Ā0}, {A–, Ā–}, c’est-à-dire telles que E+ = A+ Ā+, E0 = A0 Ā0 et E– = A– Ā–.
Nous pouvons dénoter cette relation entre les deux matrices par A < E. On prolonge alors les relations existant entre les pôles canoniques d’une même matrice, aux relations de même nature existant entre deux matrices présentant les propriétés de A et de E, c’est-à-dire telles que A < E. Il en résulte alors de manière directe les relations de 2-dualité, 2-antinomie, 2-complémentarité,qui prolongent les relations de dualité, antinomie, complémentarité, qui sont inhérentes à une matrice donnée. Ainsi deux pôles canoniques 1 et 2 de deux matrices différentes sont:
(i’) 2-duaux (ou duaux trichotomiques) si leurs polarités sont neutres et si le dual de 2 est un englobant pour 1
(ii’) 2-antinomiques (ou contraires trichotomiques) si leurs polarités sont non-neutres et opposées et si le contraire de 2 est un englobant pour 1
(iii’) 2-complémentaires (ou complémentaires trichotomiques) si leurs polarités sont non-neutres et égales et si le complémentaire de 2 est un englobant pour 1
Pour résumer : {A0, Ē0} et {Ā0, Ē0} sont 2-duaux, {A+, Ē–}, {A–, Ē+}, {Ā+, Ē–} et {Ā–, Ē+} sont 2-contraires, {A+, Ē+}, {A–, Ē–}, {Ā+, Ē+} et {Ā–, Ē–} sont 2-complémentaires.
À ce stade, nous sommes en mesure de compléter la matrice qui est associée aux concepts d’Amour+ et de Haine–, de la manière suivante :
Et de même, nous pouvons compléter ainsi la matrice qui inclut la notion d’Indifférence– :
Enfin, les relations existant entre les concepts des deux matrices peuvent être décrites en termes d’englobants :
Finalement, nous sommes en mesure de préciser les relations existant entre les différents concepts du triplet amour/haine/indifférence : d’une part, Amour+ et Indifférence– sont des contraires trichotomiques et d’autre part, Haine– et Indifférence– sont des complémentaires trichotomiques. En outre, l’amour est le contraire de la haine ; l’amour est le 2-contraire de l’indifférence ; la haine est le 2-complémentaire de l’indifférence.
Il convient de s’intéresser, en second lieu, à la construction qui résulte du carré sémiotique, à partir du triplet de concepts amour-haine indifférence. Une telle construction, appliquée aux quatre termes du carré sémiotique, est notamment décrite par Titscher et al. 2000 (p. 129) :
Dans une seconde étape, on est à même de compléter plusieurs méta-termes, en introduisant en particulier le concept d’ ‘indifférence’, qui correspond au ‘terme neutre’, qui répond à la définition ‘ni amour ni haine’ :
4. Application à la paire de concepts masculin-féminin
À ce stade, il s’avère également intéressant de comparer les constructions qui résultent à la fois du carré sémiotique et des matrices de concepts, à partir d’une autre paire de concepts opposés : la paire masculin/féminin. L’application du carré sémiotique à la paire de concepts opposés masculin/féminin, tout d’abord, constitue une application classique du carré sémiotique (Floch 1985, Hébert 2007), où les quatre termes sont ainsi définis :
En second lieu, l’application des matrices de concepts conduit à la construction ci-dessous, à partir de la paire de concepts opposés masculin/féminin :
À ce stade, il apparait que les termes ‘hermaphrodite’ et ‘asexué’ ne sont pas construits au niveau de la matrice de concepts. Cependant, il s’avère qu’‘asexué’ peut être construit à l’aide d’une seconde matrice et de la relation d’ ‘englobant’, d’une manière tout à fait similaire à celle qui a conduit à la construction des concepts associés au triplet amour-haine-indifférence. La seconde matrice est alors la suivante :
Cette seconde matrice est basée sur la paire de concepts opposés Sexué0/Asexué0. Dans ce cas, Sexué0 (qui fait défaut dans la construction résultant du carré sémiotique) est un englobant qui correspond à la définition : ‘Masculin0 ou Féminin0’. Il en résulte les relations suivantes entre les deux matrices de concepts, reliées par la notion d’englobant :
À ce stade, il apparaît ici que Sexué0 en tant qu’englobant peut être défini de deux manières, selon que l’on considère que la relation d’englobant est fondée sur :
– le ou exclusif : Masculin0 ou Féminin0, mais pas les deux à la fois
– le ou inclusif : Masculin0 ou Féminin0, ou bien les deux à la fois (‘hermaphrodite’) c’est-à-dire finalement : masculin, féminin ou hermaphrodite
Une telle construction conduit ainsi à un éclairage supplémentaire par rapport à l’opposition Sexué0/Asexué0. En effet, la question suivante résulte de ce qui précède : qu’est-ce qui constitue le contraire d’ ‘Asexué0’ ? Est-ce (a) Sexué0 au sens de : Masculin0 ou (exclusivement) Féminin0 ? Ou bien est-ce (b) Sexué0 au sens de : Masculin0, Féminin0 ou hermaphrodite ? Une telle question possède une pertinence sémantique, et l’analyse qui précède permet d’apporter des éléments de réponse, qui mettent notamment en lumière l’ambiguïté qui préside à la notion de ‘sexué’, qui est donc susceptible de recevoir deux acceptions différentes : (a) masculin ou (exclusivement) féminin ; ou bien (b) masculin, féminin ou hermaphrodite.
La construction précédente montre également que le concept d’‘hermaphrodite’ proprement dit ne figure pas au nombre des concepts résultant des deux matrices précédentes, reliées à l’aide de la relation d’englobant. Cependant, ce que suggère la construction résultant du carré sémiotique, c’est que les deux matrices pourraient être reliées à l’aide d’une relation d’englobant qui s’identifierait au ‘et logique’. Dans ce cas, le concept d’‘hermaphrodite’ serait également engendré par une telle construction. Ainsi, la comparaison qui précède suggère finalement que les deux matrices de concepts pourraient être reliées à l’aide d’une notion d’englobant qui pourrait s’identifier à l’un des trois opérateurs logiques suivants : ou inclusif, ou exclusif, et logique. Le et logique serait ainsi hérité du carré sémiotique, et dans ce contexte, les concepts suivants en résulteraient : (a) Sexué0 au sens de ‘Masculin0, Féminin0 ou hermaphrodite’ (ou inclusif) ; (b) Sexué0 au sens de ‘Masculin0 ou (exclusivement) Féminin0’ ; et enfin (c) Hermaphrodite0 (et logique).
5. Correspondances entre le carré sémiotique et les matrices de concepts
Les développements qui précèdent permettent désormais d’établir une correspondance entre les concepts qui résultent du carré sémiotique et ceux qui sont obtenus à l’aide des matrices de concepts. Le fait de rendre explicites ces correspondances conduit à mieux appréhender les différences existant entre les deux outils conceptuels. Considérons, en premier lieu, les constructions qui résultent du carré sémiotique et des matrices de concepts, par rapport à la paire de concepts masculin/féminin. Les équivalences, portant sur les quatre termes du carré sémiotique et les matrices de concepts, s’établissent comme suit (le symbole ≡ dénotant la correspondance) :
▪ S1 (masculin) ≡ A0
▪ S2 (féminin) ≡ Ā0
▪ non-S1 (efféminé) ≡ Ā–
▪ non-S2 (hommasse) ≡ A–
Au-delà, au niveau des méta-termes, ces correspondances se manifestent de la manière suivante :
En second lieu, les correspondances entre carré sémiotique et matrices de concepts par rapport au triplet amour/haine/indifférence, appliquées aux quatre termes du carré sémiotique, sont les suivantes :
▪ S1 (amour) ≡ A+
▪ S2 (haine) ≡ Ā–
▪ non-S1 (non-amour) ≡ Ā0
▪ non-S2 (non-haine) ≡ A0
Et elles s’établissent de la manière suivante au niveau des méta-termes :
L’examen de ces correspondances montre finalement que ces dernières s’appliquent différemment pour la paire masculin/féminin et pour le triplet amour/haine/indifférence. Tout d’abord, la paire masculin/féminin et la paire amour/haine sont toutes deux associées aux termes S1 et S2 du carré sémiotique. En revanche, il s’avère que la paire masculin/féminin correspond aux concepts A0 et Ā0 de la matrice, alors que la paire amour/haine correspond aux concepts A+ et Ā– de la matrice. Il apparaît que cette différence résulte de la méthodologie inhérente au carré sémiotique, où l’on commence par assigner les concepts aux termes S1 et S2, indépendamment de leur polarité intrinsèque, et où, dans une seconde étape, l’analyse est étendue aux concepts non-S1 et non-S2, et ensuite aux méta-termes. En revanche, dans le processus de construction des matrices de concepts, on commence par attribuer une polarité aux concepts selon leur connotation – positive, négative ou neutre – et on leur assigne ensuite une place au sein de la matrice.
6. Conclusion
Les développements qui précédent ont permis de mettre en lumière les différences existant dans les processus de construction de concepts résultant du carré sémiotique et des matrices de concepts, à partir de la paire de concepts masculin/féminin et du triplet amour/haine/indifférence. La carré sémiotique conduit ainsi à la construction de dix concepts (incluant les deux concepts non dénommés) alors que l’utilisation des matrices de concepts se traduit par la construction de douze concepts appartenant à deux matrices différentes, mises en relation à travers la notion d’englobant. De plus, des correspondances entre les concepts résultant des deux types de constructions ont pu être mises en évidence. Ceci permet de mettre en lumière les étapes successives de la construction des concepts au sein des deux outils conceptuels : le carré sémiotique procède par affectation prioritaire des termes S1 et S2, et ensuite des termes non-S1 et non-S2 et enfin des méta-termes. En revanche, les matrices de concepts procèdent par détermination préalable de la polarité – positive, négative ou neutre – des concepts, puis par affectation des concepts dans la matrice. De plus, l’accent étant mis sur la relation ‘et’ à partir des quatre termes fondamentaux dans le carré sémiotique, alors qu’il est mis sur les connotations neutre, positive et négative au niveau des matrices de concepts.
Remerciements
Je remercie Marcin J. Schroeder pour des discussions très utiles.
Références
Floch, J-M. (1985). Quelques concepts fondamentaux en sémiotique générale, Petites mythologies de l’oeil et de l’esprit ; pour une sémantique plastique, Hadès-Benjamins, Paris-Amsterdam, 189-207. Franceschi, Paul (2002). Une classe de concepts. Semiotica, 139 (1/4), 211-226. Franceschi, Paul (2005). Le problème des relations amour-haine-indifférence. Semiotica, 152 (1-4), 251–260. Greimas, Algirdas J. (1970). Du Sens, Paris, Seuil. Greimas, A. J. (1977). Elements of a Narrative Grammar. Diacritics, 7, 23-40 Hébert, Louis (2007). Dispositifs pour l’analyse des textes et des images, Limoges, Presses de l’Université de Limoges
Titscher, S., Meyer, M., Wodak, R., Vetter, E. (2000). Methods of text and discourse analysis, London, Sage.
un article paru dans Semiotica (2007), volume 167, pages 271-282.
Abstract. In Franceschi (2002), I described a theory based on matrices of concepts that aims at constituting an alternative to the classification proposed by Greimas, in the field of paradigmatic analysis. I set out here to apply the matrices of concepts to the study of a corpus of Corsican proverbs. I recall briefly, first, the framework of matrices of concepts. I further describe the structure of proverbial theses, and I expose then the results of the corresponding analysis.
Résumé. Dans Franceschi (2002), j’ai présenté une théorie basée sur les matrices de concepts qui se propose de constituer une alternative à la classification proposée par Greimas, dans le domaine de l’analyse paradigmatique. Je m’attache ici à appliquer les matrices de concepts à l’analyse d’un corpus constitué de proverbes corses. Je rappelle tout d’abord brièvement le modèle des matrices de concepts. Je décris également la structure des thèses proverbiales, avant de présenter les résultats de l’analyse correspondante.
Dans ce qui suit, je m’attacherai à effectuer une analyse paradigmatique d’un corpus de proverbes corses à l’aide des matrices de concepts décrites dans Franceschi (2002).
Les matrices de concepts
De manière préliminaire, il est utile de décrire l’essentiel du cadre formel qui a été décrit de manière détaillée dans Une classe de concepts (2002). Soit tout d’abord une dualité donnée. Celle-ci peut être dénotée par A/Ā. À ce stade, A et Ā constituent des concepts duaux. On peut considérer également que A et Ā sont des concepts qui possèdent une composante contraire c, de sorte que c[A] = 1 et c[Ā] = -1. De même, la polarité p de A et Ā étant neutre (p = 0), ces derniers concepts peuvent être dénotés par A0 et Ā0.
À ce stade, on peut définir la classe des pôles canoniques. Il suffit de considérer l’extension de la classe précédente {A0, Ā0}, telle que A0 et Ā0 admettent respectivement un concept corrélatif dont la polarité est soit positive (p = 1) soit négative (p = -1). Les concepts qui en résultent peuvent être dénotés respectivement par {A+, A–} et {Ā+, Ā–}. Ainsi, pour une dualité donnée A/Ā, on obtient les six concepts suivants : {A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–}. Appelons-les les pôles canoniques. Ceci conduit à distinguer entre les pôles canoniquespositifs (A+, Ā+), neutres (A0, Ā0) et négatifs (A–, Ā–). Enfin, la classe constituée par les six pôles canoniques peut être dénommée la matrice canonique : {A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–}.
Figure 1
Intéressons-nous maintenant aux relations existant entre les pôles canoniques d’une même matrice. Parmi les relations existant entre les six pôles canoniques (A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–), on peut mentionner : dualité, antinomie, complémentarité, corollarité, connexité, anti-connexité. Ainsi, deux pôles canoniques donnés d’une même matrice sont :
(i) duaux si leurs composantes contraires sont opposées et leurs polarités sont neutres
(ii) contraires (ou antinomiques) si leurs composantes contraires sont opposées et leurs polarités sont non neutres et opposées
(iii) complémentaires si leurs composantes contraires sont opposées et leurs polarités sont non neutres et égales
(iv) corollaires si leurs composantes contraires sont égales et leurs polarités sont non neutres et opposées
(v) connexes si leurs composantes contraires sont égales et la valeur absolue de la différence de leurs polarités est égale à 1
(vi) anti-connexes si leurs composantes contraires sont opposées et la valeur absolue de la différence de leurs polarités est égale à 1
Résumons : {A0, Ā0} sont duaux, {A+, Ā–} et {A–, Ā+} sont contraires, {A+, Ā+} et {A–, Ā–} sont complémentaires, {A+, A–} et {Ā+, Ā–} sont corollaires, {A0, A+}, {A0, A–}, {Ā0, Ā+} et {Ā0, Ā–} sont connexes, {A0, Ā+}, {A0, Ā–}, {Ā0, A+} et {Ā0, A–} sont anti-connexes.
À partir du cadre théorique ainsi défini, on est à même d’obtenir une classification des concepts comportementaux, qui est calquée sur la structure des matrices de concepts. Parmi les concepts que cette dernière classification permet d’appréhender, on peut citer ainsi : courage, paresse, persévérance, entêtement, prodigalité, dogmatisme, modestie, etc. À titre d’exemple, la matrice à laquelle correspond le concept de courage est la suivante (une énumération plus générale de la classe des concepts comportementaux est présentée dans Franceschi (2002, note 22) :
Figure 2
Cette classification des concepts comportementaux servira de base à la présente étude. Mais avant de présenter les résultats auxquels conduit cette dernière, il est nécessaire de décrire plus en détail la structure particulière des propositions proverbiales qui font l’objet de la présente analyse.
Structure des thèses proverbiales
Dans ce qui suit, chacun des proverbes étudiés sera considéré comme une thèse simple (Franceschi 2004) relative à un concept d’une matrice donnée. D’une manière générale, une thèse simple constitue une appréciation – négative, neutre ou positive – formulée pare rapport à un concept donné. Si l’on dénote par un tel concept, la structure de la thèse simple correspond alors à p(), avec {A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–}, p dénotant une polarité positive (p = 1), neutre (p = 0) ou négative (p = -1). Une appréciation négative s’assimile alors à un blâme et une appréciation positive à un éloge (l’appréciation neutre, qui se rencontre rarement, peut être ignorée ici). Ainsi, le blâme d’un concept est dénoté par –() et son éloge par +(). Les différents cas de figure théoriques, par rapport aux six concepts d’une même matrice, sont ainsi les suivants : –(A+), –(A0), –(A–), –(Ā+), –(Ā0), –(Ā–), +(A+), +(A0), +(A–), +(Ā+), +(Ā0), +(Ā–).
Il convient maintenant de s’intéresser aux thèses proverbiales simples, qui présentent la structure d’un blâme ou d’un éloge. Considérons tout d’abord le blâme. Un certain nombre de thèses proverbiales comportent ainsi une appréciation dévalorisante, dépréciative, par rapport à un certain type de comportement, une manière d’agir ou d’appréhender les choses. On peut dénoter ce type de thèse simple par –(s) où s désigne un type de comportement ou une manière de considérer les choses. Pour fixer les idées, considérons quelques exemples. Soit la thèse proverbiale suivante :
(1) À chì dormi un piglia pesci.(Celui qui dort ne prend pas de poissons)
Le point de vue exprimé ici est que l’inactivité ou la paresse ne permettent pas à une personne de subvenir à ses propres besoins, de se nourrir. Ceci s’analyse en un jugement négatif, dépréciatif vis-à-vis de la paresse. Ce dernier concept peut être considéré comme une notion péjorative, que l’on peut dénoter par paresse–. Ainsi, la thèse proverbiale simple exprimée ici présente-t-elle la structure d’un blâme de la paresse–, qui peut être dénotée par –(paresse–).
Soit également cette autre thèse proverbiale :
(2) Un si pò fà u passu più longu chè l’infurcatura. (On ne peut pas faire le pas plus long que l’enfourchure)
Le contenu de cette dernière thèse proverbiale s’analyse comme une appréciation péjorative formulée à l’encontre de la tendance à vouloir faire des choses au-delà de ses propres capacités, à voir trop grand. Une telle thèse présente ainsi une structure qui constitue le blâme du concept péjoratif de vanité, de prétention, que l’on peut ainsi dénoter par –(prétention–).
Considérons, en second lieu, les thèses proverbiales qui présentent la structure d’un éloge. De telles thèses comportent une appréciation flatteuse par rapport à un comportement, une propension à agir, une situation ou une manière d’appréhender les choses. On dénote les propositions correspondantes par +(s) où s désigne une façon de considérer les choses ou un comportement donnés. Considérons ainsi quelques exemples. Soit tout d’abord la thèse proverbiale suivante :
(3) U megliu oru hè quiddu chì piega.(Le meilleur or est celui qui plie)
La structure sémantique de cette thèse proverbiale simple est basée sur une analogie. L’or le plus souple, le plus ductile, est qualifié de « meilleur ». Par analogie, cette dernière qualité est étendue aux humains, valorisant ainsi celui qui est capable de faire preuve de souplesse, d’adaptabilité. Il s’agit ainsi d’un éloge, d’une louange formulée vis-à-vis de la souplesse. Cette dernière notion étant méliorative, le point de vue ainsi exprimé présente la structure d’un éloge de la souplesse+, soit formellement +(souplesse+).
On rencontre également un type de structure identique, au niveau de la thèse suivante :
(4) Chì va pianu va sanu è chì va sanu va luntanu. (Celui qui va lentement va sûrement et celui qui va sûrement va loin)
qui s’analyse comme la valorisation d’une façon d’agir tranquille et non précipitée, c’est-à-dire un éloge du calme+, soit de manière formelle +(calme+).
À ce stade, on est à même de déterminer la valeur de vérité de chacune des thèses simples. La valeur de vérité de chaque type d’éloge ou de blâme1 indique si l’appréciation et le comportement sur lequel elle porte se révèlent cohérents ou non au niveau de la thèse proverbiale considérée, sachant que l’éloge d’un concept positif est vrai, de même que le blâme d’un concept négatif. À l’inverse, l’éloge d’un concept négatif ou neutre et le blâme d’un concept positif ou neutre sont faux. Ainsi, parmi les différents cas qui viennent d’être énumérés, ceux dont la valeur de vérité est vrai sont : –(A–), –(Ā–), +(A+), +(Ā+). Et ceux dont la valeur de vérité est faux sont : –(A+), –(A0), –(Ā+), –(Ā0), +(A0), +(A–), +(Ā0), +(Ā–).
On peut mentionner enfin, que l’on peut rencontrer, plus rarement, une structure qui est celle d’une thèse2-composée (Franceschi 2004), qui comporte des appréciations relatives à deux concepts d’une même matrice et qui peut être définie comme la conjonction de deux thèses simples. La thèse proverbiale suivante constitue l’illustration d’une thèse 2-composée :
(5) A pratica vinci a grammatica. (La pratique domine la théorie) –(prétention–) –(prétention–)
En effet, cette dernière thèse comporte la mention des concepts duaux d’une même matrice (la pratique et la théorie), et s’analyse ainsi en une thèse qui comporte d’une part l’éloge explicite de la pratique (« La pratique domine la théorie ») et d’autre part le blâme implicite de la théorie (« La théorie est dominée par la pratique »). Soit formellement : +(pratique0) et –(théorie0).
Analyse du corpus de proverbes
Dans ce qui suit, je m’attacherai à appliquer la méthodologie qui vient d’être décrite à un corpus constitué de proverbes corses (Wikiquote 2006). La démarche consistera ainsi à sélectionner les proverbes qui présentent la structure d’une thèse simple (plus rarement, il s’agira d’une thèse 2-composée) telle qu’elle vient d’être définie, à en déterminer le contenu sémantique, et à synthétiser les résultats ainsi obtenus dans un tableau final.
De manière préalable, il est utile de distinguer ici les thèses proverbiales simples portant sur un concept comportemental, des proverbes dont la portée se révèle plus limitée. Un certain nombre de proverbes présentent en effet une connotation locale ou temporelle. Plusieurs proverbes comportent ainsi un prédicat local, qui se réfère par exemple à une localité, un village ou une ville donnés. On peut citer ainsi : Sè Bastelica t’avia u portu, Aiacciu saria l’ortu (Si Bastelica avait un port, Ajaccio n’en serait que le jardin).Une autre catégorie de proverbes se caractérise par la présence d’un prédicat temporel, qui se réfère à un mois ou un jour ou l’autre de l’année. Les proverbes qui appartiennent à cette catégorie présentent un champ d’application qui est limité dans le temps. Parmi ces derniers, on peut citer par exemple : Aqua d’aostu, oliu è mostu (De l’eau en août donne de l’huile et du moût).
À ce stade, il est utile de noter que de nombreux proverbes corses présentent la structure conditionnelle suivante : si <comportement> alors <situation>, où <situation> consiste dans la description d’une situation, d’un état de fait, faisant suite à un type de comportement donné. La forme paradigmatique du proverbe corse présentant cette structure particulière est ainsi : À chì (Celui qui) … <comportement> … <situation>.
Une telle structure se révèle particulièrement adaptée à la formulation des thèses simples, compte tenu du fait que <comportement> et <situation> peuvent présenter une forme négative, neutre ou positive. En particulier, la polarité – positive ou négative – attribuée à <situation> permet l’expression de l’éloge ou du blâme relatif à un type de <comportement> donné. Les proverbes ci-dessous constituent l’illustration d’une telle structure :
(1) À chì dormi un piglia pesci.(Celui qui dort ne prend pas de poissons)
(6) À chì posa mal’ pensa (Celui qui reste sans rien faire, pense à mal)
On peut mentionner également qu’une telle structure constitue une instance de la forme causale plus générale : si <cause> alors <effet>.
À ce stade, on est en mesure de présenter les résultats de l’analyse effectuée à l’aide de la méthodologie basée sur les matrices de concepts qui vient d’être décrite. Tout d’abord, la partie du corpus qui a fait l’objet de l’analyse est constitué par les thèses proverbiales suivantes2 :
(7) A lingua ossu ùn ha è ossu tronca. (La langue ne possède pas d’os, mais peut faire rompre les os) –(dénigrement–)
(8) A misura ancu ind’è l’aqua. (Il faut de la mesure en tout, même lorsqu’on boit) +(modération+)
(5) A pratica vinci a grammatica. (La pratique domine la théorie) +(goût pour la pratique0) –(goût pour la théorie0)
(9) A regula ci stà bè ancu in casa di u rè. (Même dans la maison du roi, on fait des économies) +(sens de l’économie –)
(10) À a fica zemba ognunu s’arremba. (Tout le monde profite du faible. Litt. : tout le monde s’appuie sur le fichier qui penche) –(faiblesse–)
(11) À chì campa spirendu mori caghendu. (Celui qui vit d’espérance, meurt dans le dénuement) –(attrait pour les chimères–)
(12) À chì di piombu tomba di piombu mori. (Celui qui tue par le plomb périt par le plomb) –(violence–)
(1) À chì dormi un piglia pesci.(Celui qui dort ne prend pas de poissons) –(paresse–)
(13) À chì l’attempa a perdi. (Celui qui diffère une chose, finit par la perdre) –(lenteur–)
(14) À chì muta muga. (Celui qui fait des changements, blesse) –(inclination au changement0)
(6) À chì posa mal’ pensa (Celui qui reste sans rien faire, pense à mal) –(paresse –)
(15) À chì s’aiuta hè galant’ omu. (Il est louable de se prendre en main) +(s’occuper de soi)
(16) À chì servi u cumunu ùn servi à nissunu. (Celui qui se sert le bien commun ne sert personne) –(altruisme+)
(17) À chì tropppu abbraccia nudda strigni. (Qui trop embrasse mal étreint) –(dispersion–)
(18) À chì tropppu si cala, u culu vi mostra. (Celui qui se baisse trop, montre son cul) –(sous-estimation de soi–)
(19) À chì ùn arrisica ùn arruzica. (Qui ne risque rien n’a rien. Litt. : celui qui ne risque rien n’a rien à ronger) –(éviter les risques0)
(20) À chì ùn si misura ùn dura. (Celui qui ne fait pas preuve de mesure ne dure pas) –(immodération–)
(4) Chì va pianu va sanu è chì va sanu va luntanu. (Celui qui va lentement va sûrement et celui qui va sûrement va loin) +(calme+)
(21) Ci voli à lagà u fusu à chì n’ha l’usu. (Chacun son métier. Litt. : Il faut laisser le fuseau à celui dont c’est le métier) –(expertise+)
(22) Di fà ciò chì hè fattu ùn hè piccatu. (Rendre ce que l’on nous a fait n’est pas pêcher) +(violence–)
(23) I funi longhi diventani sarpi. (Les cordes trop longues deviennent des serpents) –(lenteur–)
(24) I solda ùn venini micca cantendu. (L’argent ne vient pas en chantant) –(paresse –)
(25) Tuttu lagatu hè persu. (Toutes les occasions qu’on laisse passer sont perdues) –(réactions différées0)
(26) U bè di l’avaru u si magna u furfanti. (Le bien de l’avare, c’est le forban qui en profite) –(avarice–)
(27) U cavaddu chi ùn vò bia hè un gattivu zifulà. (Il ne sert à rien de forcer un cheval qui ne veut pas boire) –(autoritarisme–)
(3) U megliu oru hè quiddu chì piega.(Celui qui est souple réussit mieux. Litt. : le meilleur or est celui qui plie) +(souplesse+)
(28) U troppu bè s’arrivolta. (Si on fait trop de bien aux gens, on finit par en retirer des ennuis. Litt. : faire trop de bien finit par nuire) –(rendre dépendant–)
(2) Ùn si pò fà u passu più longu chè l’infurcatura. (On ne peut pas faire le pas plus long que l’enfourchure) –(prétention–)
(29) Ùn si pò tena i dui pedi in u scarpu. (On ne peut courir deux lièvres à la fois. Litt. : on ne peut mettre les deux pieds dans une seule chaussure) –(dispersion–)
(30) Una mani lava l’altra è tremindù lavani u visu. (Une main lave l’autre, et les deux lavent le visage) +(altruisme+)
Et le tableau final qui en résulte est le suivant :
disponibilité+
activité+
Goût du loisir0
goût du travail0
(1) (6) (24)
paresse–
suractivité–
Amour-propre+
modestie+
estime de soi0
mise en retrait de l’ego0
(2)
prétention–
sous-estimation de soi–
(18)
(9)
Sens de l’économie+
générosité+
Inclination à l’épargne0
inclination à la dépense0
(26)
avarice–
prodigalité–
audace+
prudence+
Prise de risques0
évitement des risques0
(19)
témérité–
lâcheté–
(15)
s’occuper de soi+
altruisme+
(30) (16)
être tourné vers soi-même0
être tourné vers les autres0
égoïsme–
rendre dépendant–
(28)
(3)
souplesse+
constance+
Tendance à changer0
tendance à ne pas changer0
inconstance–
rigidité–
idéalisme+
réalisme+
Appréhender les objectifs0
appréhender les moyens0
(11)
Attrait pour les chimères–
prosaïsme–
Vicacité, spontanéité+
calme+
(4)
Réactions immédiates0
réactions différées0
(25)
précipitation–
lenteur–
(23) (13)
Capacité d’abstraction+
pragmatisme+
(5)
goût pour la théorie0
goût pour la pratique0
(5)
dogmatisme–
prosaïsme–
sens de l’autorité+
sens de la discipline+
goût du commandement0
obéir0
(27)
autoritarisme–
servilité–
défense+
pacifisme+
refus0
acceptation0
(12) (22)
violence–
faiblesse–
causticité+
valorisation+
esprit critique0
souligner les qualités0
(7)
dénigrement–
angélisme–
éclectisme+
expertise+
(21)
pluridisciplinarité0
mono-disciplinarité0
(29) (17)
dispersion–
cloisonnement–
stabilité+
adaptabilité+
inclination au statu quo0
inclination au changement0
(14)
invariabilité–
instabilité–
motivation+
modération+
(8)
passion0
raison0
(20)
immodération–
tiédeur–
fermeté+
diplomatie+
ne pas céder0
faire des concessions0
intransigeance–
faiblesse–
(10)
On le voit, la présente analyse conduit à mettre en évidence plusieurs points intéressants. Elle permet tout d’abord de souligner un certain nombre de congruences sémantiques. Par exemple, les deux thèses proverbiales (1) À chì dormi un piglia pesci et (24) I solda ùn venini micca cantendu présentent une structure commune qui est celle du blâme de la paresse–. De même, l’analyse a permis d’expliciter les relations entre plusieurs thèses proverbiales (par exemple, (2) Ùn si pò fà u passu più longu chè l’infurcatura et (18) À chì tropppu si cala, u culu vi mostra) qui sont co-matricielles. En outre, l’analyse permet de souligner d’éventuelles contradictions telles que l’éloge et le blâme d’un même concept. Tel est notamment le cas pour et (22) Di fà ciò chì hè fattu ùn hè piccatu (éloge de la violence–) et (12) À chì di piombu tomba di piombu mori (blâme de la violence–). Enfin, les thèses proverbiales co-matricielles (29) Ùn si pò tena i dui pedi in u scarpu et (21) Ci voli à lagà u fusu à chì n’ha l’usu présentent un cas particulier de convergence sémantique : la première thèse proverbiale constitue le blâme du concept négatif de dispersion–, alors que la seconde thèse réside dans l’éloge du concept positif opposé d’expertise+.
Conclusion
On le voit, le type d’analyse paradigmatique qui vient d’être décrit, appliqué à un corpus de proverbes corses, permet d’en préciser, selon une approche méthodique, le contenu sémantique. Ce type d’analyse basé sur les matrices de concepts peut aisément être étendu à d’autres corpus parémiologiques, ou bien utilisé pour effectuer des comparaisons entre plusieurs corpus parémiologiques. Plus généralement, on peut observer que ce type d’analyse peut également être appliqué d’autres types de textes au sein duquel la structure des thèses simples se révèle prédominante.3
1 Comme on l’a vu, l’appréciation neutre se rencontre rarement.
2 On peut noter ici qu’un certain nombre de matrices de concepts comportementaux – qui peuvent être énumérées sous forme matricielle simplifiée – n’ont pas été utilisées ici :
{objectivité+, être neutre0, impersonnalité–, engagement+, être partisan0, parti-pris–}
{fermeté+, propension à réprimer0, sévérité–, clémence+, propension à pardonner0, laxisme–}
{expansion+, recherche de la quantité0, excès–, perfectionnisme+, recherche de la qualité0, hyper-sélectivité–}
{renouveau+, intérêt au changement0, rupture–, préservation des acquis+, intérêt au maintien0, conservatisme–}
{ampleur de vues+, goût de la synthèse0, survol–, précision+, goût de l’analyse0, se perdre dans les détails–}
{amour+, attraction0, affection mièvre–, savoir prendre ses distances+, répulsion0, haine–}
{conquête+, avidité0, boulimie–, sobriété+, avoir le minimum0, dénuement–}
3 Je remercie Françoise Albertini et Dominique Salini pour leurs commentaires concernant le mémoire de DEA Langue et culture corses qui est à l’origine du présent article.
Isis Truck, Nesrin Halouani, & Souhail Jebali (2016) Linguistic negation and 2-tuple fuzzy linguistic representation model : a new proposal, pages 81–86, in Uncertainty Modelling in Knowledge Engineering and Decision Making, The 12th International FLINS Conference on Computational Intelligence in Decision and Control, Eds. Xianyi Zeng, Jie Lu, Etienne E Kerre, Luis Martinez, Ludovic Koehl, 2016, Singapore: World Scientific Publishing.
Classiquement, dans la discussion relative aux contraires polarisés1, on s’intéresse essentiellement aux concepts usuels, lexicalisés, c’est-à-dire pour lesquels il existe un mot correspondant dans le langage propre à une langue donnée. Cette manière de procéder tend à engendrer plusieurs inconvénients. L’un d’entre eux (i), réside dans le fait que de tels concepts sont susceptibles de varier d’une langue à l’autre, d’une culture à l’autre. Un autre (ii) des problèmes qui en résultent est le fait que certains concepts lexicalisés présentent une nuance soit méliorative, soit péjorative, avec des degrés dans ce type de nuances qui s’avèrent difficiles à apprécier. Enfin (iii), un autre problème réside dans le fait que certains concepts, selon l’analyse sémiotique2 sont considérés comme ‘marqués’ (marked) par rapport à d’autres qui sont ‘non marqués’ (unmarked), le statut de concept non marqué conférant une sorte de préséance, de prééminence aux concepts en question.
A mon sens, l’ensemble des inconvénients précités provient du fait que l’on travaille essentiellement, de manière classique, à partir des concepts lexicalisés. La démarche mise en oeuvre dans la présente étude se situe à l’inverse de cette manière de procéder. On commencera ici en effet par construire des concepts de manière abstraite, sans considération du fait que ces concepts sont ou non lexicalisés. Une fois cette construction réalisée, on pourra alors vérifier que certains des concepts ainsi construits correspondent effectivement à des concepts lexicalisés, alors que d’autres ne peuvent être mis en correspondance avec aucun mot du langage courant. Cette manière de procéder permet, me semble-t-il, d’éviter les inconvénients précités.
On le verra enfin, la construction qui est proposée ci-dessous permettra de proposer une taxinomie de concepts qui constitue une alternative à celle basée sur le carré sémiotique (semiotic square) défini par Greimas.
1. Dualités
On considère ici la classe des dualités, qui est composée de concepts correspondant à l’intuition que ces derniers:
(i) sont différents les uns des autres
(ii) sont minimaux ou irréductibles, c’est-à-dire ne peuvent plus se réduire à d’autres éléments sémantiques plus simples
(iii) se présentent sous forme de paires de concepts duaux ou contraires
(iv) constituent des prédicats
Chacun des concepts composant la dualité sera appelé pôle. On présentera ici une liste, qui ne prétend pas à être exhaustive, et pourra être si nécessaire, complétée. Soit donc l’énumération suivante des dualités3:
A ce stade, on observe que certains pôles présentent une nuance soit méliorative (beau, bien, vrai), soit péjorative (laid, mal, faux), soit neutre (temporel, implicite).
On dénotera par A/Ā une dualité donnée. Si on utilise des mots du langage courant pour dénoter la dualité, on utilisera des majuscules pour distinguer les concepts utilisés des concepts usuels. Exemple: les dualités Abstrait/Concret, Vrai/Faux.
On notera enfin que plusieurs questions5 se posent, de manière immédiate, en matière de dualités. Les dualités existent-elles (i) en nombre fini ou infini? De même, existe-t-il (ii) une construction logique qui permette d’énumérer les dualités?
2. Pôles canoniques
A partir de la classe des dualités, on est en mesure de construire celle des pôles canoniques. A l’origine, les concepts lexicalisés correspondant à chaque pôle d’une dualité présentent respectivement une nuance6 soit méliorative, soit neutre, soit péjorative. La classe des pôles canoniques correspond à l’intuition selon laquelle, pour chaque pôle d’une dualité A/Ā, on peut construire 3 concepts: un concept positif, un concept neutre et un concept négatif. Au total, pour une dualité A/Ā donnée, on construit donc 6 concepts, constituant la classe des pôles canoniques. Intuitivement, les pôles canoniques positifs répondent à la définition: forme positive, méliorative de; les pôles canoniques neutres correspondent à la forme neutre, ni méliorative ni péjorative de ; et les pôles canoniques négatifs correspondent à la forme négative, péjorative de . On notera que ces 6 concepts sont construits à l’aide exclusivement de notions logiques. La seule notion qui échappe à ce stade à une définition logique est celle de dualité ou base.
Pour une dualité A/Ā donnée, on a ainsi les pôles canoniques suivants: {A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–}, que l’on pourra également dénoter respectivement par (A/Ā, 1, 1), (A/Ā, 1, 0) , (A/Ā, 1, -1) , (A/Ā, -1, 1) , (A/Ā, -1, 0) , (A/Ā, -1, -1).
Une majuscule pour la première lettre d’un pôle canonique sera utilisée, pour le distinguer du concept lexicalisé correspondant. Lorsqu’on voudra se référer de manière précise à un pôle canonique alors que le langage courant ne possède pas un tel concept ou bien se révèle ambigu, on pourra choisir un concept lexicalisé, auquel on ajoutera l’exposant correspondant à l’état neutre ou polarisé choisi. Pour mettre en évidence le fait que l’on se réfère explicitement à un pôle canonique – positif, neutre ou négatif – on utilisera les notations A+, A0 et A–. On a ainsi par exemple les concepts Uni+, Uni0, Uni– etc. Où Uni+ = Solide, Soudé, Cohérent et Uni– = Monolithique–. De même, Rationnel0 désigne le concept neutre correspondant au terme rationnel du langage courant, qui présente une nuance légèrement méliorative. De même, Irrationnel0 désigne l’état neutre correspondant, alors que le terme irrationnel courant présente une nuance péjorative. On procédera de même, lorsque le terme lexicalisé correspondant est ambigu. Dans la présente construction en effet, on commence par construire logiquement les concepts, puis on les met en adéquation avec les concepts du langage courant, dans la mesure où ces derniers existent.
Les composantes d’un pôle canonique sont:
– une dualité (ou base) A/Ā
– une composante contrairec {-1, 1}
– une polarité canoniquep {-1, 0, 1}
Un pôle canonique présente la forme: (A/Ā, c, p).
On distinguera en outre pour chaque dualité A/Ā les classes dérivées suivantes:
– les pôles canoniques positifs: A+, Ā+
– les pôles canoniques neutres: A0, Ā0
– les pôles canoniques négatifs: A–, Ā–
– la matrice canonique constituée par les 6 pôles canoniques: {A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–}. On pourra également noter les 6 concepts constituant la matrice canonique sous forme de matrice 3 x 2.
Soit également un pôle canonique, on notera ~ son complément, correspondant sémantiquement à non–. On a ainsi les compléments ~A+, ~A0, ~A–, ~Ā+, ~Ā0, ~Ā–. La notion de complément impose la définition d’un univers de référence U. On s’intéressera ainsi au complément d’un pôle canonique défini par rapport à la matrice correspondante7. On a alors ainsi: ~A+ = {A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–}, et une définition de même nature pour les compléments des autres concepts de la matrice.
On peut noter enfin que les questions suivantes se posent en matière de pôles canoniques. On a en effet la construction de la matrice des pôles canoniques de la dualité Positif/Négatif: {Positif+, Positif0, Positif–, Négatif+, Négatif0, Négatif–}. Mais des concepts tels que Positif0, Négatif0 et surtout Positif–, Négatif+ existent-ils (i) sans contradiction?
De même, au niveau de la dualité Neutre/Polarisé, on a la construction de la matrice {Neutre+, Neutre 0, Neutre–, Polarisé+, Polarisé 0, Polarisé–}. Mais Neutre+, Neutre– existent-ils (ii) sans contradiction? De même, Polarisé0 existe-t-il sans contradiction?
Ceci conduit à poser la question de manière générale: tout pôle canonique neutre admet-il (iii) sans contradiction un concept correspondant positif et négatif? A-t-on une règle générale pour toutes les dualités ou bien a-t-on autant de cas spécifiques pour chaque dualité?
3. Relations entre les pôles canoniques
Parmi les combinaisons de relations existant entre les 6 pôles canoniques (A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–) d’une même dualité A/Ā, on retiendra les relations suivantes (outre la relation d’identité, notée I).
Deux pôles canoniques 1(A/Ā, c1, p1) et 2(A/Ā, c2, p2) d’une même dualité sont duaux ou antinomiques ou contraires si leurs composantes contraires sont opposées et leurs polarités sont opposées8.
Deux pôles canoniques 1(A/Ā, c1, p1) et 2(A/Ā, c2, p2) d’une même dualité sont complémentaires si leurs composantes contraires sont opposées et leurs polarités sont égales9.
Deux pôles canoniques 1(A/Ā, c1, p1) et 2(A/Ā, c2, p2) d’une même dualité sont corollaires si leurs composantes contraires sont égales et leurs polarités sont opposées10.
Deux pôles canoniques 1(A/Ā, c1, p1) et 2(A/Ā, c2, p2) d’une même dualité sont connexes si leurs composantes contraires sont égales et la valeur absolue de la différence de leurs polarités est égale à 111.
Deux pôles canoniques 1(A/Ā, c1, p1) et 2(A/Ā, c2, p2) d’une même dualité sont anti-connexes si leurs composantes contraires sont opposées et la valeur absolue de la différence de leurs polarités est égale à 112, 13.
On a les questions suivantes, en matière de relations entre les pôles canoniques. Existe-t-il (i) un (ou plusieurs) pôle canonique qui soit son propre contraire? A priori, ce n’est pas possible sans contradiction pour un pôle positif ou un pôle négatif. Mais la question se pose pour un pôle neutre.
De même, existe-t-il (ii) un (ou plusieurs) pôle canonique qui soit son propre complémentaire? Il en résulte deux questions: existe-t-il un pôle canonique positif qui soit son propre complémentaire? Et de même: existe-t-il un pôle canonique négatif qui soit son propre complémentaire?
On peut formuler les questions (i) et (ii) de manière plus générale. Soit R une relation telle que R {I, c, , j, g, }. Existe-t-il (iii) un (ou plusieurs) pôle canonique a qui vérifie a = Ra?
4. Degrés de dualité
On construit la classedes degrés de dualité, à partir de l’intuition selon laquelle de A+ à Ā–, de A0 à Ā0 et de A– à Ā+, il existe une succession continue de concepts. La composante continue d’un degré de dualité correspond à un degré dans la paire duale concernée. L’approche par degré est sous-tendue par l’intuition qu’il existe une succession continue et régulière de degrés, à partir d’un pôle canonique Ap jusqu’à son contraire Ā-p14. On est amené ainsi à distinguer 3 classes de degrés de dualité: (i) de A+ à Ā– (ii) de A0 à Ā0 (iii) de A– à Ā+.
Un degré de dualité présente les composantes suivantes:
– une paireduale Ap/Ā-p (correspondant à l’un des 3 cas: A+/Ā–, A0/Ā0 ou A–/Ā+)
– un degré dÎ [-1; 1] dans cette dualité
Un degré de dualité présente donc la forme: (A+/Ā–, d), (A0/Ā0, d) ou (A–/Ā+, d).
On appelle d’autre part point neutre un concept appartenant à la classe des degrés de dualité dont le degré est égal à 0. On note 0 un tel concept, qui est donc de la forme (Ap/Ā-p, 0) avec d[0] = 0. Sémantiquement un point neutre 0 correspond à un concept répondant à la définition suivante: ni Apni Ā-p. Par exemple, (Vrai/Faux, 0) correspond à la définition: ni Vrai ni Faux. De même (Vague/Précis, 0) répond à la définition: ni Vague ni Précis. Enfin, si on considère les dualités Neutre/Polarisé et Positif/Négatif, on a: Neutre0 = (Négatif0/Positif0, 0) = (Neutre0/Polarisé0, 1).
Il convient d’observer que cette construction ne signifie pas que le point neutre ainsi construit soit l’unique concept qui corresponde à la définition ni Apni Ā-p. On verra au contraire que plusieurs concepts et même des hiérarchies de concepts peuvent correspondre à cette dernière définition.
On a la propriété suivante des points neutres, pour une dualité A/Ā donnée: (A+/Ā–, 0) = (A0/Ā0, 0) = (A–/Ā+, 0).
On peut s’intéresser également aux classes dérivées suivantes:
– une classe discrète et tronquée, construite à partir des degrés de dualité, comprenant seulement les concepts pour lesquels le degré de dualité est tel que d {-1, -0,5, 0, 0,5, 1}.
– la classe des degrés de complémentarité, des degrés de corollarité, etc. La classe des degrés de dualité correspond à la relation d’antinomie. Mais on peut s’intéresser, de manière générale, à autant de classes qu’il existe de relations entre les pôles canoniques d’une même dualité. On a autant de classes de même nature pour les autres relations, correspondant respectivement à des degrés de complémentarité, corollarité, connexite et anti-connexité.
On note enfin les questions suivantes, en matière de degrés de dualité et de points neutres. Existe-t-il (i) un (ou plusieurs) pôle canonique qui soit son propre point neutre? A priori, cela n’est possible que pour un pôle neutre.
Toute dualité A/Ā admet-elle (ii) un point neutre ou zéro trichotomique? On peut appeler cette question le problème de la trichotomie générale. S’agit-il d’une règle générale15 ou bien existe-t-il des exceptions? Il semble a priori que la dualité Abstrait/Concret n’admette pas de point neutre. Il paraît en être de même pour la dualité Fini/Infini ou encore la dualité Précis/Vague. Intuitivement, on n’a pas là d’état intermédiaire.
Le concept correspondant au point neutre (Neutre0/Polarisé0, 0) et répondant à la définition: ni neutre ni polarisé existe-t-il (iii) sans contradiction dans la présente construction?
5. Relations entre les pôles canoniques d’une dualité différente: englobants
On s’intéresse à la relation d’englobant pour les pôles canoniques Soient les paires de pôles canoniques duaux A+ et Ā+, A0 et Ā0, A– et Ā–. On a alors les définitions suivantes: un englobant positif+ est un concept tel qu’il est lui-même un pôle canonique positif et correspond à la définition + = A+ Ā+. Un englobant neutre0 est un pôle canonique neutre tel que 0 = A0 Ā0. Et un englobant négatif– est un pôle canonique négatif tel que – = A– Ā–. Compte tenu de cette définition, il est clair que l’on assimile ici l’englobant à l’englobant minimum. Exemples: Déterminé0 est un englobant pour Vrai0/Faux0. Et Déterminé0 est aussi un pôle pour la dualité Déterminé0/Indéterminé0. De même, Polarisé0 est un englobant pour Positif0/Négatif0.
De manière plus générale, on a la relation de n-englobant (n > 1) en considérant la hiérarchie des (n + 1) matrices. On a également, de manière évidente, la relation réciproque d’englobé et de n-englobé.
On considère également les classes dérivées suivantes:
– englobants matriciels: il s’agit de concepts englobant l’ensemble des pôles canoniques d’une même dualité. Ils répondent à la définition: 0 = A+ A0 A– Ā+ Ā0 Ā–.
– englobants mixtes: il s’agit de concepts répondant à la définition 1 = A+ Ā– ou bien 2 = A– Ā+.
On s’intéresse également aux types de relations existant entre les pôles canoniques d’une dualité différente. Soient deux matrices A et E dont les pôles canoniques sont respectivement {A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–} et {E+, E0, E–, Ē+, Ē0, Ē–} et telles que E soit un englobant pour A/Ā c’est-à-dire telles que E+ = A+ Ā+, E0 = A0 Ā0 et E– = A– Ā–. On étend alors les relations précédemment définies entre les pôles canoniques d’une même matrice, aux relations de même nature entre deux matrices présentant les propriétés de A et E. On a alors les relations de 2-antinomie, 2-complémentarité, 2-corollarité, 2-connexité, 2-anti-connexité16. Ainsi, par exemple, A0 est 2-contraire (ou contraire trichotomique) avec Ē0, 2-connexe (ou connexe trichotomique) avec E+ et E– et 2-anti-connexe (ou anti-connexe trichotomique) avec Ē+ et Ē–. De même, A+ et Ā+ sont 2-contraires avec Ē–, 2-complémentaires avec Ē+, 2-corollaires avec E–, 2-connexes avec E0 et 2-anti-connexes avec Ē0, etc.
On considère également la propriété suivante des points neutres et englobants. Soient deux matrices A et E, telles que l’un des pôles neutres de E soit un englobant pour la paire duale neutre de A: E0 = A0 Ā0. On a alors la propriété suivante: le pôle canonique Ē0 pour la matrice E est un point neutre pour la dualité A0/Ā0. Ainsi, le point neutre pour la dualité A0/Ā0 est le dual de l’englobant E0 de A0 et Ā0. Exemple: Déterminé0 = Vrai0 Faux0. Ici, le point neutre pour la dualité Vrai/Faux correspond à la définition: ni Vrai ni Faux. Et on a : (Vrai0/Faux0, 0) = (Déterminé0/Indéterminé0, -1).
On peut généraliser cette propriété à une hiérarchie de matrices A1, A2, A3, …, An, telles que l’un des pôles 2 de A2 de polarité p soit un englobant pour une paire duale de A1, que l’un des pôles 3 de A3 soit un englobant pour une paire duale de A2, …, que l’un des pôles n de An soit un englobant pour une paire duale de An-1. Il en résulte une construction infinie de concepts.
On note également l’émergence d’une hiérarchie, au-delà du seul point neutre d’une dualité donnée. Il s’agit de la hiérarchie des points neutres d’ordre n, construite de la manière suivante à partir des pôles canoniques duaux A0 et Ā0:
– A0, Ā0
– A1 = ni A0 ni Ā0
– A21 = ni A0 ni A1
– A22 = ni Ā0 ni A1
– A31 = ni A0 ni A21
– A32 = ni A0 ni A22
– A33 = ni A0 ni A21
– A34 = ni Ā0 ni A22
– …
On peut aussi envisager l’émergence de cette hiérarchie sous la forme suivante17:
– A0, Ā0
– A1 = ni A0 ni Ā0
– A2 = ni A0 ni Ā0 ni A1
– A3 = ni A0 ni Ā0 ni A1 ni A2
– A4 = ni A0 ni Ā0 ni A1 ni A2 ni A3
– A5 = ni A0 ni Ā0 ni A1 ni A2 ni A3 ni A4
– …
Classiquement, on construit cette hiérarchie infinie pour Vrai/Faux en considérant I1 (Indéterminé), I2, etc. On peut remarquer que dans cette dernière construction, il n’est pas fait mention de l’englobant (Déterminé) de Vrai/Faux. On ne fait pas plus mention de la hiérarchie des englobants.
La notion de complément d’un pôle canonique correspond sémantiquement à non–. On a la notion de 2-complément d’un pôle canonique , défini par rapport à un univers de référence U consistant dans la 2-matrice de . On alors par exemple: ~A+ = {A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–, Ē+, Ē0, Ē–}, etc. Et de même, ~A+ = {Ā+, E0, E–, Ē+, Ē0, Ē–}, etc. Plus généralement, on ainsi la notion de n-complément (n > 0) d’un pôle canonique par rapport à la n-matrice correspondante.
On a enfin les questions suivantes, concernant les englobants. Pour certains concepts, existe-t-il (i) un englobant maximum ou bien a-t-on une construction infinie pour chaque dualité?Pour la dualité Vrai/Faux en particulier, l’analyse des paradoxes sémantiques a conduit à l’utilisation des logiques basées sur un nombre infini de valeurs de vérité18.
Toute dualité admet-elle (ii) un englobant neutre? Certaines dualités en effet semblent ne pas admettre d’englobant: tel est notamment le cas pour la dualité Abstrait/Concret ou Fini/Infini. Il semble qu’Abstrait constitue un élément maximal. Certes, on peut bien construire, de manière formelle un concept correspondant à la définition ni Abstrait ni Concret, mais un tel concept apparaît très difficile à justifier sémantiquement.
Existe-t-il (iii) un pôle canonique qui soit son propre englobant minimum?
Existe-t-il (iv) un pôle canonique qui soit son propre englobant non minimum? On peut formuler ce problème de manière équivalente ainsi. A un niveau donné, ne rencontre-t-on pas un pôle canonique qui est déjà apparu quelque part dans la structure? On aurait ainsi affaire à une structure comportant une boucle. Et notamment, ne rencontre-t-on pas l’un des pôles de la première dualité?
6. Principes canoniques
Soit un pôle canonique. Intuitivement, la classe des principes canoniquescorrespond aux concepts qui répondent à la définition: principe correspondant à ce qui est. Exemples: Précis Précision; Relatif Relativité; Temporel Temporalité. Les principes canoniquespeuvent être vus comme des prédicats 0-aires, alors que les pôles canoniques sont des prédicats n-aires (n > 0). Les concepts lexicalisés correspondant à des principes canoniques sont souvent des termes où le suffixe –ité (ou –itude) à été ajouté au radical correspondant à un pôle canonique. Par exemple: Relativité0, Beauté+, Activité0, Passivité0, Vérité0, Neutralité0, Simplicité0, Temporalité0, etc. Une liste (nécessairement non exhaustive) des principes canoniques est la suivante:
On remarque qu’un certain nombre de principes canoniquesne sont pas lexicalisés. On utilisera les notations A+, A0, A– pour dénoter sans ambiguïté un principe canonique respectivement positif, neutre ou négatif. On pourra également utiliser la notation suivante: soit un pôle canonique, alors –ité (ou –itude) est un principe canonique. On pourra noter ainsi: Abstrait0–ité, Absolu0–ité, Acessoire0–ité, etc. ou encore, comme ci-dessus [Abstrait0], [Absolu0], etc.
Les composantes des principes canoniquessont les mêmes que pour la classe des pôles canoniques.
On distingue enfin les classes dérivées suivantes:
Soit a0 un principe canonique neutre20. La classe des méta-principes correspond à une disposition d’esprit orientée vers ce qui est a0, à l’intérêt pour ce qui est a0. Intuitivement, un méta-principe correspond à un point de vue, une perspective, une orientation de l’esprit humain. Ainsi, l’attrait pour l’Abstraction0, l’intérêt pour l’Acquis0, la propension à se placer du point de vue de l’Unité0, etc. constituent des méta-principes. On notera que cette construction permet notamment de construire des concepts qui ne sont pas lexicalisés. Ceci présente l’avantage d’une meilleure exhaustivité et conduit à une meilleure et plus riche sémantique.
Soit a0 un principe canonique neutre. On notera p un méta-principe (p {-1, 0, 1}). On dénote ainsi + un méta-principe positif, 0 un méta-principe neutre et – un méta-principe négatif. On a ainsi l’énumération des méta-principes, pour une dualité donnée: {A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–}. De plus, on pourra désigner par a–isme un méta-principe. Exemple: Uni Unité-isme. On a ainsi Internalisme, Externalisme, Relativisme, Absolutisme, etc. qui correspondent notamment à des tendances de l’esprit. On utilisera ici une majuscule pour distinguer les méta-principes des concepts lexicalisés, et notamment pour les différencier des doctrines philosophiques correspondantes, qui possèdent souvent des sens différents. On pourra toutefois s’inspirer des termes classiques lorsqu’ils existent pour désigner le méta-principe correspondant. Ainsi Tout-isme correspond au Holisme.
On peut dénommer Ultra–a–isme ou Hyper–a-isme le concept correspondant à –. Cette forme correspond à un usage exclusif, excessif, exagéré du point de vue correspondant à un principe donné. On a ainsi par exemple: Externalisme– = Ultra-externalisme.
Les composantes des méta-principes sont:
– une polaritépÎ {-1, 0, 1}
– un principe canonique neutre composé de:
– une dualité (ou base) A/Ā
– une composante contrairec {-1, 1}
– une polarité neutreq = 0
Les méta-principes canoniques positifs, neutres, négatifs sont respectivement de la forme ((A/Ā, c, 0), 1), ((A/Ā, c, 0), 0), ((A/Ā, c, 0), -1).
Entre les méta-principes canoniques d’une même dualité, on a les mêmes relations que pour les pôles canoniques.
On a enfin les classes dérivées constituées par:
– les méta-principes positifs (p > 0)
– les méta-principes neutres (p = 0)
– les méta-principes négatifs (p < 0)
– les méta-principes polarisés qui comprennent les méta-principes positifs et négatifs
– la matrice des méta-principes canoniques, constituée par les 6 méta-principes applicables à une dualité donnée: {A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–}.
– les degrés de méta-principes canoniques. Intuitivement, de tels concepts sont plus ou moins positifs ou négatifs. La polarité est ici considérée comme un degré de polarité. Ces concepts sont tels que pÎ [-1; 1].
– la classe des principes comportementaux. Intuitivement, la classe des principes comportementaux constitue une extension de celle des méta-principes. Là où le méta-principe constitue une disposition de l’esprit humain, les concepts visés ici sont ceux qui visent à décrire, de manière plus générale, les tendances du comportement humain21. Parmi les concepts lexicalisés correspondant aux principes comportementaux, on peut mentionner: courage, prudence, pessimisme, rationalité, avarice, fidélité, goût de l’analyse, instabilité, objectivité, pragmatisme, etc. Une première analyse révèle (i) qu’un certain nombre d’entre eux présentent une nuance méliorative: courage, objectivité, pragmatisme; que (ii) d’autres, à l’inverse, présentent une connotation péjorative, défavorable: lâcheté, avarice, instabilité; et enfin (iii) que certains concepts se présentent sous une forme qui n’est ni méliorative, ni péjorative: goût de l’analyse22. On a ici les mêmes classes que pour les méta-principes, et notamment les degrés de principes comportementaux. Exemple: lâche est plus négatif que craintif; de même, bravoure est plus positif que courage.
Conclusion
Les concepts construits à l’aide de la présente théorie se distinguent de plusieurs points de vue de ceux qui résultent de l’application du ‘carré sémiotique’ conçu par Greimas (1977, p. 25). Cette dernière théorie prévoit en effet quatre concepts: S1, S2, ~S1, ~S2. En premier lieu, il apparaît que le carré sémiotique est basé sur deux concepts lexicalisés S1 et S2 constituant une paire duale. Il ne distingue pas, lorsqu’il envisage les concepts duaux, selon que ces derniers sont positifs, neutres ou négatifs. La présente théorie considère à l’inverse six concepts, lexicalisés ou non.
En second lieu, la présente analyse se distingue du carré sémiotique par une définition différente de la négation-complément. En effet, le carré sémiotique comporte deux concepts correspondant à la négation-complément: non-S1 et non-S2. Dans le présent contexte en revanche, la négation est définie par rapport à un univers de référence U, qui peut être défini par rapport à la matrice considérée, ou bien à la 2-matrice, …, à la n-matrice. Pour chaque pôle canonique, on a ainsi une hiérarchie de concepts correspondant à non-S1 et non-S2.
On le voit, la présente taxinomie de concepts se différencie de celle conçue par Greimas. Elaborée à partir des dualités et de notions logiques, la présente théorie présente l’avantage de s’appliquer aux concepts lexicalisés ou non, et de s’affranchir également des définitions de concepts propres à une culture donnée. Ainsi, la classification qui vient d’être décrite constitue une alternative à celle basée sur le carré sémiotique proposée par Greimas.
Références
FINE, Kit (1975). Vagueness, Truth and Logic. Synthese 30: 265-300
GREIMAS, A. J. (1977). Elements of a Narrative Grammar, Diacritics 7: 23-40
JAKOBSON, Roman (1983). Dialogues, Cambridge MA: MIT Press
PEACOCKE, C. A. B. (1981). Are Vague Predicates Incoherent?. Synthese 46: 121-141
RESCHER, Nicholas (1969). Many-Valued Logic, New York: McGraw Hill
3 De même, il aurait été possible de définir une classe plus restreinte, comprenant seulement la moitié des pôles sémantiques, en ne retenant qu’un des deux prédicats duaux, et en construisant les autres avec la relation contraire. Cependant, le choix de l’un ou l’autre des pôles duaux eut été arbitraire, et j’ai préféré ici l’éviter. On aurait eu alors la construction suivante. Soit le pôle sémantique Contraire et a un pôle sémantique quelconque, non nécessairement distinct de Contraire; le concept résultant de la composition de Contraire et de a est un pôlesémantique. Il est à noter que ce type de construction aurait conduit à:
Contraire° Contraire = Identique.
Contraire° Identique = Contraire.
Contrairen = Identique (pour n pair)
Contrairen = Contraire (pour n impair)
Dans ce contexte, on observe que Contraire constitue un cas particulier, puisque si on cherche à construire une classe des pôlescanoniques qui soit minimale, on constate que l’on peut s’affranchir de Identique, alors que l’on ne peut se dispenser de Contraire. On a là une asymétrie. En effet, on peut construire Identique à l’aide de Contraire, à l’aide de la propriété d’involution: Contraire° Contraire = Identique. Pour les autres dualités, on peut choisir indifféremment l’un ou l’autre des pôles sémantiques concernés.
4 Il est à noter qu’on aurait pu distinguer ici selon les pôles unaires et les pôles binaires, en considérant qu’il s’agit là de prédicats. Mais a priori, une telle distinction ne s’avère pas très utile pour la suite de la construction.
5 Dans ce qui suit, les questions relatives aux différentes classes sont seulement mentionnées. Il va de soi qu’elles nécessitent un traitement en profondeur qui va bien au-delà de la présente étude.
13 On a les propriétés suivantes, en ce qui concerne les relations précitées. La relation d’identité constitue une relation d’équivalence. L’antinomie, la complémentarité et la corollarité sont symétriques, anti-réflexives, non associatives, involutives.
L’opération de composition sur les relations {identité, corollarité, antinomie, complémentarité} définit un groupe abélien d’ordre 4. Soit G = {I, c, , j}:
°IcjIIcjccIjjIcjjcI
où pour tout A ÎG, A-1 = A, et A ° I = A, I étant l’élément neutre. On notera que les propriétés de groupe permettent notamment de donner, de manière évidente, une valuation à des propositions de la forme: le concept contraire du complémentaire de a1 est identique au corollaire du complémentaire de a2.
14 Cette construction de concepts peut être considérée comme l’application de la degree theory. Cf. notamment Fine (1975), Peacocke (1981). La présente théorie toutefois ne se caractérise pas par le choix préférentiel de la degree theory, mais considère simplement cette dernière comme l’une des méthodes de construction de concepts.
15 Plusieurs trichotomies usuelles sont: {passé, présent, futur}, {droit, centre, gauche}, {haut, centre, bas}, {positif, neutre, négatif}.
16 De manière évidente, on a la généralisation à n matrices (n > 1) de la présente construction avec les relations de n-antinomie, n-complémentarité, n-corollarité, n-connexité, n-anti-connexité.
17 On peut assimiler les deux hiérarchies qui viennent d’être décrites, à une seule et même hiérarchie. Il suffit de procéder à l’assimilation suivante:
– A2 = A21 ou A22
– A3 = A31 ou A32 ou A33 ou A34
– A4 = A41 ou A42 ou A43 ou A44 ou A45 ou A46 ou A47 ou A48
19 On notera en outre que d’autres concepts peuvent être ainsi construits. Soit ainsi un pôle canonique. On a alors les classes de concepts répondant à la définition: rendre (Exemple: Uni Unifier; Différent Différencier); action de rendre (Uni Unification; Différent Différenciation); qu’il est possible de rendre (Uni Unifiable; Différent Différenciable), etc. Ces concepts ne présentent pas toutefois d’intérêt dans le cadre de la présente étude.
20 A noter que l’on aurait pu, de manière alternative, prendre comme base de la définition des méta-principes un principe canonique, sans distinguer selon que ce dernier est positif, neutre ou négatif. Mais il semble qu’une telle définition aurait engendré davantage de complexité, sans apporter en retour un réel intérêt sémantique.
21 Cette classe particulière nécessiterait toutefois une analyse beaucoup plus fine que celle qui est présentée sommairement ici. Il s’agit seulement ici de montrer que nombre de concepts appartenant à cette catégorie peuvent faire l’objet d’une classification présentant la structure de celle des méta-principes.
22 On peut considérer l’énumération suivante – nécessairement partielle – correspondant aux principes comportementaux, dans l’ordre (A+), (A0), (A–), (Ā+), (Ā0), (Ā–):
fermeté, propension à réprimer, sévérité, clémence, propension à pardonner, laxisme
Dans Franceschi (2002), j’ai présenté une théorie qui se propose de constituer une alternative à la classification proposée par Greimas dans le domaine de l’analyse paradigmatique. Dans le présent article, je m’attache à tirer les conséquences de cette théorie en l’appliquant à la technique de conception de plan. En matière de plan dialectique, le paradigme actuel est en effet le plan du type thèse-antithèse-synthèse. Cette forme de plan est largement répandue et son usage se révèle consensuel. Dans ce qui suit, je présenterai un nouveau type de plan dialectique, qui se propose de constituer une alternative au plan dialectique classique. Il s’agit d’un type de plan que l’on peut qualifier de matriciel, et qui présente plusieurs avantages par rapport au plan classique.
Le plan dialectique classique
Le paradigme actuel en matière de plan dialectique est un plan du type thèse-antithèse-synthèse[1]. Ce plan trouve son origine dans l’approche dialectique[2] développée par Hegel. La triple association de concepts sous la forme de thèse-antithèse-synthèse, désormais associée au mouvement dialectique de la pensée, a été élaborée par Hegel et Marx[3]. La dialectique constitue ainsi un processus de raisonnement qui procède par l’énoncé de deux thèses contradictoires et par leur réconciliation au stade de la synthèse. Pour Hegel[4], toute thèse présente en soi une nature incomplète, partielle, qui donne ainsi naissance à son contraire, l’antithèse. Selon Hegel, les contraires présentent, au-delà de la contradiction qui les sous-tend, une nature indissociable. Cette dernière propriété permet ainsi de réaliser leur union finale, à un niveau de la pensée qui se situe au-delà de celui où se manifeste la contradiction. Les contraires présentent ainsi par essence une véritable unité, dont il convient de capturer le principe fécond, permettant ainsi de parvenir, à un niveau supérieur, à une authentique connaissance. Cette dernière phase constitue la synthèse, qui peut ainsi être considérée comme l’étape du raisonnement qui réconcilie véritablement, à un niveau supérieur, la contradiction née entre la thèse et l’antithèse. La synthèse permet ainsi de surmonter le conflit apparu entre la thèse et l’antithèse, en unifiant ultérieurement la part de vérité contenue à la fois dans chacune d’entre elles. Mais le processus toutefois ne se limite pas à cela. Car la synthèse ainsi obtenue constitue à son tour une nouvelle thèse, qui elle-même donne lieu à une nouvelle antithèse puis à une nouvelle synthèse, et ainsi de suite… Dans le langage courant, l’approche dialectique désigne désormais la méthodologie générale qui permet de surmonter et de résoudre les contradictions. C’est dans cette approche dialectique que le plan classique du type thèse-antithèse-synthèse trouve son origine.
A ce stade, il convient de s’intéresser tour à tour à chacun des composants du plan thèse-antithèse-synthèse. Considérons en premier lieu la thèse. Cette dernière constitue un point de vue exprimé par un auteur. Il s’agit du point de vue sur lequel porte la discussion, et vers lequel la structure du plan se trouve orientée. Par simplification, on peut assimiler ici la thèse à une proposition donnée. En second lieu, l’antithèse est un point de vue qui se révèle contraire à celui de la thèse. De même que la thèse, il est utile de réduire l’antithèse, dans un but de simplification, à une proposition. A ce stade, les points de vue exprimés par la thèse et l’antithèse présentent une nature antinomique. Enfin, la synthèse constitue la partie du discours où les points de vue antagonistes développés dans la thèse et l’antithèse font l’objet d’un dépassement. La synthèse vise ainsi classiquement à s’élever au-delà de l’antinomie existant entre la thèse et l’antithèse et à la surpasser.
D’une manière générale, l’intérêt du plan dialectique de type thèse-antithèse-synthèse est de permettre d’appréhender le double aspect d’un problème ou d’une réalité donnée. En se plaçant alternativement d’un côté puis de l’autre, en envisageant successivement la thèse puis l’antithèse, ce type de plan évite une vision partielle ou tronquée du problème particulier posé par la thèse. La finalité du plan dialectique classique est ainsi d’appréhender la double nature d’une même réalité et de dépasser la contradiction qui résulte d’une étude préliminaire.
Matrices de concepts
Dans Franceschi (2002), j’ai décrit une structure qui est celle d’une matrice de concepts, dont le champ d’application s’étend à un nombre important de concepts. Pour les besoins de la présente discussion, il n’est pas utile de reprendre en détail la description de la structure de concepts présentée dans cet article. Toutefois, le type de plan dialectique qui sera proposé plus loin dérive directement de la notion de matrice de concepts. Il s’avère donc nécessaire de présenter les lignes essentielles de la structure de base qui est celle d’une matrice de concepts.
Considérons tout d’abord une dualité donnée. Dénotons-la par A/Ā. A ce stade, A et Ā constituent des concepts duaux. On peut considérer ainsi que A et Ā sont des concepts qui se caractérisent par une composante contrairec Î {-1, 1} au niveau d’une dualité A/Ā, telle que c[A] = -1 et c[Ā] = 1. On peut considérer également que A et Ā sont des concepts neutres qui peuvent ainsi être dénotés par A0 et Ā0.
A ce stade, on est à même de définir la classe des pôles canoniques. Il suffit de considérer une extension de la classe précédente {A0, Ā0}, telle que A0 et Ā0 admettent respectivement à la fois un concept positif et négatif qui leurs sont corrélatifs. De tels concepts possèdent un certain support intuitif. Dénotons-les respectivement par {A+, A–} et {Ā+, Ā–}. A ce stade, pour une dualité A/Ā donnée, on obtient les concepts suivants: {A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–}, qui constituent les pôles canoniques. Il convient de mentionner ici que l’on peut utiliser de manière alternative la notation a(A/Ā, c, p) pour un pole canonique[5]. Dans tous les cas, les composants d’un pôle canonique sont: une dualité A/Ā, une composante contraire c Î {-1, 1} et une polarité canoniquep Î {-1, 0, 1}. Cette définition des pôles canoniques conduit à distinguer entre les pôles canoniques positifs (A+, Ā+), neutres (A0, Ā0) et négatifs (A–, Ā–). Enfin, la classe constituée par les six pôles canoniques d’une même matrice peut être dénommée matrice canonique: {A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–}.
Intéressons-nous maintenant à la nature des relations existant entre les pôles canoniques d’une matrice donnée. Parmi les combinaisons de relations existant entre les six pôles canoniques (A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–) d’une même dualité A/Ā, on retiendra les relations suivantes: dualité, antinomie, complémentarité, corollarité, connexité, anti-connexité. Ainsi, deux pôles canoniques a1(A/Ā, c1, p1) et a2(A/Ā, c2, p2) d’une même matrice sont:
(a) duaux si leurs composantes contraires sont opposées et leurs polarités sont neutres[6]
(b) contraires (ou antinomiques) si leurs composantes contraires sont opposées et leurs polarités sont non-neutres et opposées[7]
(c) complémentaires si leurs composantes contraires sont opposées et leurs polarités sont non-neutres et égales[8]
(d) corollaires si leurs composantes contraires sont égales et leurs polarités sont non-neutres et opposées[9]
(e) connexes si leurs composantes contraires sont égales et la valeur absolue de la différence de leurs polarités est égale à 1[10]
(f) anti-connexes si leurs composantes contraires sont opposées et la valeur absolue de la différence de leurs polarités est égale à 1[11]
Résumons: {A0, Ā0} sont duaux; {A+, Ā–} et {A–, Ā+} sont contraires; {A+, Ā+} et {A–, Ā–} sont complémentaires; {A+, A–} et {Ā+, Ā–} sont corollaires; {A0, A+}, {A0, A–}, {Ā0, Ā+} et {Ā0, Ā–} sont connexes; {A0, Ā+}, {A0, Ā–}, {Ā0, A+} et {Ā0, A–} sont anti-connexes.
Pour fixer les idées, prenons l’exemple de la matrice[12] {éclectisme+, pluridisciplinarité0, dispersion–, expertise+, mono-disciplinarité0, cloisonnement–}. On a alors les relations suivantes:
(a’) {pluridisciplinarité0, mono-disciplinarité0} sont duaux
(b’) {éclectisme+, cloisonnement–}, {dispersion–, expertise+} sont antinomiques
(c’) {éclectisme+, expertise+}, {dispersion–, cloisonnement–} sont complémentaires
(d’) {éclectisme+, dispersion–}, {expertise+, cloisonnement–} sont corollaires
A ce stade, il est nécessaire de s’attacher à analyser de manière plus approfondie la structure interne de la thèse à laquelle s’applique le plan dialectique. On distinguera ici entre les thèses simples et les thèses composées.
Thèses simples
En règle générale, une thèse simple présente une structure qui est celle d’une appréciation – négative, neutre ou positive – relative à un concept donné. Soit a un tel concept; on dénote alors par zp(a) une telle structure de thèse, où p dénote une polarité négative, neutre ou positive telle que respectivement p Î {-1, 0, 1}. L’appréciation négative peut être assimilée à un blâme et l’appréciation positive à un éloge. Le blâme d’un concept a donné est ainsi dénoté par z–(a), l’appréciationneutre par z0(a) et l’éloge par z+(a). D’une manière générale, les propositions correspondant aux thèses simples présentent la structure suivante: zp(a), avec p Î {-1, 0, 1} et a Î {A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–}. En se référant à la notion de matrice, on constate que les différents cas de figure théoriques sont les suivants, par rapport aux six concepts d’une même matrice: {z–(A+), z–(A0), z–(A–), z–(Ā+), z–(Ā0), z–(Ā–), z0(A+), z0(A0), z0(A–), z0(Ā+), z0(Ā0), z0(Ā–), z+(A+), z+(A0), z+(A–), z+(Ā+), z+(Ā0), z+(Ā–)}. A ce stade, il apparaît que l’appréciationneutre se rencontre assez rarement. Ainsi, par souci de simplification, on s’attachera ici à décrire essentiellement de manière plus précise les thèses qui présentent la structure d’un blâme ou d’un éloge.
Commençons tout d’abord par le blâme. Un certain nombre de thèses comportent ainsi une appréciation dévalorisante, dépréciative, par rapport à un comportement, une manière d’agir ou d’appréhender les choses, une situation donnée. De tels énoncés correspondent à des propositions présentant la structure d’un blâme. On dénote de telles propositions par z–(s) où s désigne une manière de considérer les choses ou d’agir.
Considérons, pour fixer les idées, quelques exemples. Soit la thèse suivante:
(1) C’est dans le mépris de l’ambition que doit se trouver l’un des principes essentiels du bonheur sur la terre.(Edgar Poe, Le domaine d’Arneihm)
Ici, l’auteur considère le ‘mépris de l’ambition’ comme un principe essentiel permettant de parvenir au bonheur. Un tel point de vue s’analyse comme un jugement négatif, dépréciatif vis-à-vis de l’ambition. Ce dernier concept peut être considéré comme une notion neutre[13]. Ainsi, une telle thèse simple présente-t-elle une structure qui est celle du blâme de l’ambition0 et peut être ainsi dénotée par z–(ambition0).
Soit également cette autre thèse:
(2) Amour, fléau du monde, exécrable folie. (Alfred de Musset, Premières poésies)
Le contenu de cette dernière thèse s’analyse comme une appréciation très péjorative formulée à l’égard de l’amour+. Là aussi, une telle thèse présente une structure qui constitue un blâme de l’amour+, que l’on peut ainsi dénoter par z–(amour+).
A l’inverse, on rencontre également fréquemment des thèses qui comportent une appréciation flatteuse par rapport à un comportement, une propension à agir, une situation ou une manière d’appréhender les choses. La structure de la proposition correspondante est alors celle d’un éloge. On dénote de telles propositions par z+(s) où s désigne une façon de considérer les choses ou un comportement donnés.
Considérons quelques exemples. Le point de vue suivant illustre tout d’abord ce type de structure:
(3) Rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion. (Hegel, Introduction à la philosophie de l’Histoire)
L’auteur formule ici une louange vis-à-vis de la passion, considérant ainsi que ‘rien de grand’ n’a pu être accompli sans cette dernière. On peut considérer ici la passion comme une notion neutre[14]. Un tel point de vue présente ainsi la structure d’un éloge de lapassion0, soit formellement z+(passion0).
On rencontre également un type de structure identique, au niveau de l’affirmation suivante:
(4) La passion est une maladie qui exècre toute médication. (Kant)
qui s’analyse en un blâme de la passion0, c’est-à-dire de manière formelle z–( passion0).
Enfin, la thèse simple suivante:
(5) Ce qu’il y a de pire chez le fanatique, c’est la sincérité. (Oscar Wilde)
constitue un exemple d’éloge du concept négatif de fanatisme, c’est-à-dire formellement z+(fanatisme–).
A ce stade, on constate que l’on est à même de déterminer la valeur de vérité de chacune des thèses simples. La valeur de vérité de chaque type d’éloge, d’appréciation neutre ou de blâme indique si l’affirmation envisagée est vraisemblable et cohérente ou non, sachant que l’éloge d’un concept positif est vrai, de même que l’appréciation neutre d’un concept neutre et le blâme d’un concept négatif. A l’inverse, l’éloge d’un concept non positif[15], l’appréciation neutre d’un concept non neutre ou bien le blâme d’un concept non négatif[16] sont faux. De manière formelle, la valeur de vérité [v] des propositions du type P = zp(aq), avec p, q Î {-1, 0, 1} et a Î {A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–} se calcule de la manière suivante: [v] = 1 (vrai) si p = q et [v] = -1 (faux) si p ¹ q[17]. Ainsi, parmi les différents cas qui viennent d’être énumérés, ceux dont la valeur de vérité est vrai sont: {z–(A–), z–(Ā–), z0(A0), z0(Ā0), z+(A+), z+(Ā+)}. Et ceux dont la valeur de vérité est faux sont: {z–(A+), z–(A0), z–(Ā+), z–(Ā0), z0(A+), z0(A–), z0(Ā+), z0(Ā–), z+(A0), z+(A–), z+(Ā0), z+(Ā–)}.
Thèses composées
Alors que les thèses simples contiennent un jugement formulé vis-à-vis d’un seul concept appartenant à une matrice donnée, les thèses composées comportent des appréciations relatives à plusieurs concepts d’une même matrice. Une thèse composée peut ainsi être définie de manière générale comme la conjonction de plusieurs thèses simples. Une thèse composée peut ainsi comporter des appréciations relatives à deux, trois, …, n concepts différents. On utilisera alors le terme de thèse n-composée. Dans ces hypothèses, les combinaisons s’avèrent nombreuses, sans qu’il soit toutefois nécessaire de les énumérer de manière exhaustive. Une proposition P constituant une thèse composée présente ainsi la structure suivante: P = Q1 Ù Q2 Ù … Ù Qn, pour n > 1, et Qi = zpi(aqi), avec pi, qi Î{-1, 0, 1} et a Î {A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–}. On a ainsi les thèses 2-composées, 3-composées, …, n-composées.
A ce stade, il apparaît nécessaire de s’intéresser en premier lieu aux thèses 2-composées, qui constituent, parmi les thèses composées, le cas le plus fréquent. Les thèses 2-composées comportent des appréciations relatives à deux concepts d’une même matrice. Elles présentent la structure: zp(a1(A/Ā, c1, q)) Ù zr(a2(A/Ā, c2, s)). L’appréciation suivante constitue ainsi un exemple de thèse2-composée:
(6) Toute théorie est grise, mais vert et florissant est l’arbre de la vie. (Goëthe)
Cette thèse 2-composée comporte en effet à la fois le blâme de la théorie (‘toute théorie est grise’) et l’éloge du pragmatisme (‘vert et florissant est l’arbre de la vie’). Il s’avère ici que les concepts d’intérêt pour la théorie et de pragmatisme appartiennent à la matrice suivante: {capacité d’abstraction+, intérêt pour la théorie0, dogmatisme–, pragmatisme+, intérêt pour la pratique0, prosaïsme–}. La structure de la thèse est ainsi z–(intérêt pour la théorie0) Ù z+(pragmatisme+) soit z–(A0) Ù z+(Ā+).
De même, l’appréciation suivante constitue un cas de thèse 2-composée:
(7) L’art d’être tantôt très audacieux et tantôt très prudent est l’art de réussir. (Napoléon Bonaparte)
Cette thèse 2-composée comporte à la fois l’éloge de l’audace (‘l’art d’être (…) très audacieux (…) est l’art de réussir’) et l’éloge de la prudence (‘l’art d’être (…) très prudent est l’art de réussir’). Il apparaît que ces derniers concepts appartiennent à la matrice suivante: {audace+, propension à prendre des risques0, témérité–, prudence+, propension à éviter les risques0, lâcheté–}. La thèse comporte donc ici l’éloge des deux concepts positifs complémentaires d’une même matrice. La structure particulière de ce type de thèse composée comporte donc l’éloge de A+ et l’éloge de Ā+, soit formellement z+(audace+) Ù z+(prudence+).
Soit enfin la thèse suivante, qui constitue également un cas de thèse 2-composée:
(8) Deux excès: exclure la raison, n’admettre que la raison.(Pascal, Les Pensées)
Cette dernière thèse comporte en effet à la fois le blâme de l’irrationalité (‘exclure la raison’) et le blâme de l’hyper-rationalisme (‘n’admettre que la raison’). La matrice correspondante reconstituée est la suivante: {imagination+, inspiration0, irrationalité–, rationalité+, raison0, hyper-rationalisme–}. On le voit, il s’agit là d’une thèse 2-composée dont la structure est z–(irrationalité–) Ù z–(hyper-rationalisme–) soit z–(A–) Ù z–(Ā–).
Enfin, la thèse 2-composée suivante:
(9) Comment souffrir que la passion soit mise au même rang que la raison? (Sénèque, De la colère)
s’analyse en un blâme de la passion0 et un éloge de la raison0, c’est-à-dire formellement z–(passion0) Ù z+(raison0), soit z–(A0) Ù z+(Ā0) au niveau de la matrice {motivation+, passion0, fanatisme–, pondération+, raison0, tiédeur–}.
On peut observer ici que ce dernier type de thèse 2-composée correspond à un cas fréquent, pour des raisons de cohérence interne. Il est en effet logique lorsqu’on critique ou déprécie telle valeur ou tel concept, de flatter son contraire. Blâmer telle chose revient naturellement à faire l’éloge de son opposé, et inversement. Pour cette raison, les thèses 2-composées dont la structure particulière est z–(A–) Ù z+(Ā+) ou bien z+(A+) Ù z–(Ā–) constituent également, parmi toutes les combinaisons possibles de thèses 2-composées, un cas courant.
En ce qui concerne la valeur de vérité des thèses 2-composées, elle se détermine de la même manière que pour les thèses simples. Soit ainsi P Ù Q une thèse 2-composée, telle que P = zp(aq) et Q = zr(bs), avec p, q, r, s Î {-1, 0, 1} et a, b Î {A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–}. De manière formelle, la valeur de vérité [v] d’une thèse 2-composée P Ù Q est vrai si v[P] = v[Q] = vrai, et faux dans les autres cas[18]. Il est à noter que les types les plus courants de thèses 2-composées sont ceux dont la valeur de vérité est vrai. Tel est le cas lorsque la valeur de vérité de chacune des deux propositions contenues dans la thèse composée est vrai. Dans cette hypothèse, les deux propositions se renforcent. Il s’agit ainsi des cas correspondant à: {z+(A+) Ù z–(A–), z+(A+) Ù z+(Ā+), z+(A+) Ù z–(Ā–), z–(A–) Ùz+(Ā+), z–(A–) Ù z–(Ā–), z+(Ā+) Ù z–(Ā–)}.
Thèses duales
A ce stade, il convient de s’intéresser à la notion de thèse duale d’une thèse donnée. Cette dernière notion s’applique à la fois aux thèses simples et aux thèses composées. La thèse duale constitue ici un élément de la discussion dialectique, qui se révèle importante car elle sert de fondement à la discussion relative à la thèse considérée.
Intéressons-nous, en premier lieu, aux thèses duales des thèses simples. Commençons tout d’abord par en donner une définition générale. De manière formelle, une thèse simple zp(a1(A/Ā, c, q)) possède une thèse duale qui répond à la définition suivante: zp(a2(A/Ā, –c, q)). Ainsi, une thèse duale d’une thèse simple présente les caractéristiques suivantes: (i) les polarités de l’appréciation de la thèse duale et de la thèse simple sont identiques; (ii) les composantes contraires des concepts sur lesquels portent les appréciations de la thèse duale et de la thèse simple sont opposées; (iii) les polarités des concepts sur lesquels portent les appréciations de la thèse duale et de la thèse simple sont identiques.
On considérera tout d’abord les thèses duales des thèses simples vraies. Les types de thèses simples vraies peuvent être ainsi énumérés: {z+(A+), z0(A0), z–(A–), z+(Ā+), z0(Ā0), z–(Ā–)}. De manière formelle, une thèse simple vraie zp(a1(A/Ā, c, p)) présente un thèse duale qui répond à la définition suivante: zp(a2(A/Ā, –c, p)). Ainsi, les thèses duales des thèses simples vraies sont respectivement: {z+(Ā+), z0(Ā0), z–(Ā–), z+(A+), z0(A0), z–(A–)}.
Considérons, à titre d’exemple, la thèse simple vraie suivante:
(10) Quoi que tu rêves d’entreprendre, commence-le. L’audace a du génie, du pouvoir, de la magie. (Goethe)
qui présente la structure z+(audace+) soit z+(A+) au niveau de la matrice {audace+, propension à prendre des risques0, témérité–, prudence+, propension à éviter les risques0, lâcheté–}. La thèse ci-dessous dont la structure est z+(prudence+) soit z+(Ā+) constitue ainsi sa thèse duale:
(11) La prudence surpasse les autres vertus comme la vue surpasse les autres sens. (Bion de Phlossa)
Considérons également les thèses duales des thèses simples fausses. Les types de thèses simples fausses sont: {z–(A+), z–(A0), z–(Ā+), z–(Ā0), z0(A+), z0(A–), z0(Ā+), z0(Ā–), z+(A0), z+(A–), z+(Ā0), z+(Ā–)}. Et les thèses duales des thèses simples fausses sont respectivement: {z–(Ā+), z–(Ā0), z–(A+), z–(A0), z0(Ā+), z0(Ā–), z0(A+), z0(A–), z+(Ā0), z+(Ā–), z+(A0), z+(A–)}.
A titre d’exemple, la thèse simple fausse suivante:
(4) La passion est une maladie qui exècre toute médication. (Kant)
présente la structure z–(passion0) soit z–(A0) au niveau de la matrice {motivation+, passion0, fanatisme–, pondération+, raison0, tiédeur–}. La thèse suivante dont la structure est z–(raison0) soit z–(Ā0) constitue ainsi sa thèse duale:
(12) Si la raison dominait sur la terre, il ne s’y passerait rien. (Bernard Fontenelle)
Il convient désormais de s’intéresser, en second lieu, aux thèses duales des thèses composées. Ces dernières sont telles que les composantes contraires des concepts sur lesquels portent les appréciations des deux thèses simples composant la thèse duale et de la thèse considérée sont opposées[19]. Considérons ainsi les thèses 2-composées vraies. Ainsi, la thèse duale de z+(A+) Ù z–(Ā–) est z+(Ā+) Ù z–(A–). Et de même, la thèse duale de z0(A0) Ù z+(A+) est z0(Ā0) Ù z+(Ā+). On notera ici en particulier que la thèse duale de z0(A0) Ù z0(Ā0) est z0(Ā0) Ù z0(A0), que la thèse duale de z+(A+) Ù z+(Ā+) est z+(Ā +) Ù z+(A+) et que la thèse duale z–(A–) Ù z–(Ā–) est z–(A–) Ù z–(Ā–).
Donnons également quelques exemples. Ainsi, la thèse 2-composée vraie correspondant à la proposition suivante:
(6) Toute théorie est grise, mais vert et florissant est l’arbre de la vie. (Goëthe)
présente la structure z–(A0) Ù z+(Ā+) c’est-à-dire z–(intérêt pour la théorie0) Ù z+(pragmatisme+) au niveau de la matrice {capacité d’abstraction+, intérêt pour la théorie0, dogmatisme–, pragmatisme+, intérêt pour la pratique0, prosaïsme–}. La thèse suivante dont la structure est z–(Ā0) Ù z+(A+) soit z–(intérêt pour la pratique0) Ù z+(capacité d’abstraction+) constitue donc sa thèse duale:
(13) Toute pratique est vile, mais féconde et élevée est la quête de l’abstraction véritable.
De manière similaire, la proposition suivante:
(8) Deux excès: exclure la raison, n’admettre que la raison.(Pascal, Les Pensées)
constitue une thèse 2-composée vraie dont la structure est z–(irrationalité–) Ù z–(hyper-rationalisme–) soit z–(A–) Ù z–(Ā–) au niveau de la matrice: {imagination+, inspiration0, irrationalité–, rationalité+, raison0, hyper-rationalisme–}. La thèse ci-dessous dont la structure est z+(imagination+) Ù z+(rationalité+) soit z+(A+) Ù z+(Ā+) constitue ainsi sa thèse duale:
(14) L’art d’être tantôt très imaginatif et tantôt très rationnel est l’art de réussir.
Il convient de noter enfin que l’on a également des définitions analogues pour les thèses 3-composées, 4-composées, etc. Ainsi, à titre d’exemple, la thèse duale de la thèse 3-composée z+(A+) Ù z0(A0) Ù z0(Ā0) est z+(Ā+) Ù z0(Ā0) Ù z0(A0). De même, la thèse duale de la thèse 3-composée z+(A+) Ù z0(A0) Ù z–(A–) est z+(Ā+) Ù z0(Ā0) Ù z–(Ā–).
Plan dialectique matriciel
Les développements qui précèdent permettent maintenant de décrire les étapes du raisonnement dialectique applicable à l’analyse d’une thèse particulière donnée, à partir des principes qui viennent d’être définis. La première étape consiste ainsi dans la détermination précise de la structure de la thèse considérée. La seconde étape, qui en résulte directement, est l’attribution d’une valeur de vérité à cette dernière. L’étape suivante consiste alors dans la reconstitution de la matrice complète applicable au(x) concept(s) qui font l’objet de la thèse. On est alors à même de déterminer la thèse duale de la thèse considérée ainsi que les thèses simples vraies autres que la thèse étudiée et sa thèse duale. Enfin, l’étape finale est la synthèse qui consiste dans la conjonction des thèses simples vraies relatives à chacun des 6 concepts de la matrice considérée: z+(A+) Ù z0(A0) Ù z–(A–) Ù z+(Ā+) Ù z0(Ā0) Ù z–(Ā–). Une telle synthèse permet de dépasser une triple antinomie: celle existant entre A+ et Ā–, A0 et Ā0, et A– et Ā+. On peut observer ici que l’on peut éventuellement ne retenir de la synthèse qu’une forme simplifiée consistant dans la conjonction des thèses simples vraies constituant un éloge ou un blâme: z+(A+) Ù z–(A–) Ù z+(Ā+) Ù z–(Ā–). De même, on pourra parfois se contenter d’une forme tronquée de synthèse consistant en z+(A+) Ù z+(Ā+), qui met l’accent sur la complémentarité entre A+ et Ā+[20].
A ce stade, nous sommes désormais en mesure de présenter le plan dialectique matriciel. Un tel plan résulte directement de la structure de matrice de concepts qui vient d’être décrite. Le plan dialectique matriciel correspondant présente ainsi la structure suivante[21]:
Considérons à titre d’exemple la thèse simple vraie suivante:
(16) Le succès fut toujours un enfant de l’audace. (Prosper Crébillon, Catilina)
dont la structure est z+(audace+) soit z+(A+) au niveau de la matrice {audace+, propension à prendre des risques0, témérité–, prudence+, propension à éviter les risques0, lâcheté–}. Il en résulte alors le plan matriciel suivant:
(17) 1. Du point de vue de la prise de risques0
1.1 La nécessité de l’audace+
1.2 Les dangers de la témérité–
Du point de vue de l’évitement des risques0
2.1 Les avantages de la prudence+
2.2 Le risque de la lâcheté–
La nécessaire complémentarité entreaudace+et prudence+
Soit également la thèse simple fausse suivante:
(12) Si la raison dominait sur la terre, il ne s’y passerait rien. (Bernard Fontenelle)
dont la structure est z–(raison0). La matrice correspondante est: {pondération+, raison0, tiédeur–, motivation+, passion0, fanatisme–}. Et il en résulte le plan matriciel suivant:
(18) Introduction: (i) structure de la thèse; (ii) valeur de vérité; (iii) matrice
Du point de vue de laraison0
1.1 L’écueil de la tiédeur–
1.2 La nécessité de la pondération+
Du point de vue de lapassion0
2.1 Les dangers du fanatisme–
2.2 La nécessité de la motivation+
La nécessaire complémentarité entrepondération+et motivation+
Enfin, un tel type de plan se révèle également adapté à une thèse 2-composée vraie telle que la suivante:
(19) Avant toute chose, il y a d’abord le métier, disait, car bien faire une seule chose procure un plus haut développement que d’en faire à demi une centaine. (Goëthe)
Cette dernière thèse s’analyse en une thèse 2-composée dont la structure est z+(expertise+) Ù z–(superficialité–) soit z+(A+) Ù z–(Ā–) au niveau de la matrice: {expertise+, mono-disciplinarité0, cloisonnement–, éclectisme+, pluridisciplinarité0, superficialité–}. Et il en résulte le plan matriciel suivant[23]:
(20) 1. Du point de vue de la mono-disciplinarité0
1.1 Les avantages de l’expertise+
1.2 Le risque du cloisonnement–
Du point de vue de la pluridisciplinarité0
2.1 La nécessité de l’éclectisme+
2.2 Les dangers de la superficialité–
La nécessaire complémentarité entreexpertise+et éclectisme+
Conclusion
Les développements qui précèdent permettent de constater que le plan dialectique matriciel présente un certain nombre d’avantages par rapport au plan dialectique classique. En premier lieu, l’approche dialectique qui vient d’être décrite effectue tout d’abord une analyse de la structure de la thèse considérée, qui conduit ensuite à lui attribuer une valeur de vérité, selon un fondement objectif.
En second lieu, il apparaît que le plan dialectique matriciel replace la thèse ou la proposition principale dans un contexte qui comprend un plus grand nombre de concepts que le plan dialectique classique. En effet, le plan dialectique classique situe habituellement la thèse dans un environnement comprenant en général deux, voire trois concepts. En revanche, le plan dialectique matriciel replace la thèse dans un contexte comprenant six concepts qui sont liés à cette dernière.
En troisième lieu, un des intérêts du plan dialectique matriciel est qu’il permet également de prendre en compte des concepts qui ne sont pas lexicalisés. En effet, la matrice de concepts décrit six concepts canoniques. Mais il est rare que la totalité de ces derniers soient lexicalisés. En effet, la situation la plus courante est que seuls certains concepts – en général deux ou trois – parmi les six que décrit la matrice correspondante sont lexicalisés. Ici aussi, l’intérêt du plan dialectique matriciel est de permettre la prise en compte exhaustive des six concepts d’une même matrice et de les intégrer dans la discussion correspondante.
On peut noter en outre que le stade de l’antithèse au niveau du plan dialectique classique se trouve remplacé ici par la détermination de la thèse duale, qui présente une structure identique à celle de la thèse initiale. La thèse duale, qui sert ici de base au raisonnement dialectique, présente pas sa structure simple ou bien n-composée une nature plus élaborée que la traditionnelle antithèse.
Enfin, il s’avère que le plan dialectique classique permet de dépasser une antinomie existant entre deux concepts, qui servent respectivement de support à la thèse et à l’antithèse. Il s’agit le plus souvent de A+ et Ā–, de A0 et Ā0, ou bien de A– et Ā+. La plupart du temps, il s’agit d’une paire duale ou antinomique de concepts qui présentent la propriété d’être lexicalisés. A l’inverse, le plan matriciel constitue l’expression d’un mouvement dialectique de la pensée qui permet de dépasser une triple antinomie: celle existant à la fois entre A+ et Ā–, A0 et Ā0, et finalement A– et Ā+, que ces concepts soient lexicalisés ou non.
Références
Franceschi, Paul (2002). Une classe de concepts. Semiotica 139 (1-4), 211-226.
Hegel, Georg Wilhelm Friedrich (1812-1816). Wissenschaft der Logik. Science de la logique, trad. Bourgeois, Paris, Aubier Montaigne, 1972.
————- (1817). Die Encyclopädie der philosophischen Wissenschaften im Grundrisse. Précis de l’encyclopédie des sciences philosophiques, trad. J. Gibelin. Vrin, Paris, 1978
Notes
[1] On trouve également la variante antithèse-thèse-synthèse.
[2] Platon envisageait la dialectique sous la forme d’un dialogue entre deux interlocuteurs, basé sur l’alternance de questions et de réponses. On trouve également une approche dialectique chez Kant, mais également Fichte et Schelling.
[3] Dans le contexte du matérialisme dialectique, la dialectique trouve son expression sur le terrain social, à travers le conflit ou la lutte, qui constituent la manifestation sur le plan matériel de la contradiction. Du dépassement de ce conflit naît le progrès historique, l’avancée sociale. Pour Marx également, la dialectique objective se situe véritablement au niveau de la réalité, trouvant ainsi son expression dans les faits et les phénomènes. A l’inverse, le mouvement dialectique observé au niveau de la pensée humaine ne constitue que le reflet subjectif de la dialectique fondamentale, une simple transposition de cette dernière au niveau du cerveau humain.
[5] Avec cette dernière notation, la matrice des pôles canoniques est restituée de la manière suivante: {a(A/Ā, -1, 1), a(A/Ā, -1, 0), a(A/Ā, -1, -1), a(A/Ā, 1, 1), a(A/Ā, 1, 0), a(A/Ā, 1, -1)}.
[6] Formellement a1 et a2 sont duaux si et seulement si c[a1] = – c[a2] and p[a1] = p[a2] = 0.
[7] Formellement a1 et a2 sont antinomiques si et seulement si c[a1] = – c[a2] et p[a1] = – p[a2] avec p[a1], p[a2] ¹ 0.
[8] Formellement a1 et a2 sont complémentaires si et seulement si c[a1] = – c[a2] et p[a1] = p[a2] avec p[a1], p[a2] ¹ 0.
[9] Formellement a1 et a2 sont corollaires si et seulement si c[a1] = c[a2] et p[a1] = – p[a2] avec p[a1], p[a2] ¹ 0.
[10] Formellement a1 et a2 sont connexes si et seulement si c[a1] = c[a2] et │p[a1] – p[a2]│ = 1.
[11] Formellement a1 et a2 sont anti-connexes si et seulement si c[a1] = – c[a2] et │p[a1] – p[a2]│ = 1.
[12] Pour une liste plus complète de matrices de concepts, cf. Franceschi (2002).
[13] L’ambition pouvant être réalisatrice (ambition+) ou bien excessive, voire démesurée (ambition–).
[14] Une passion pouvant être réalisatrice (passion+) ou bien excessive, destructrice (passion–).
[17] On pourrait bien sûr distinguer ici des degrés de valeur de vérité, en utilisant des degrés d’appréciation, avec p Î [-1, 1]. Il en résulterait ainsi une approche par degré de la valeur de vérité, en calculant ainsi cette dernière par rapport à la valeur absolue de la différence entre p et q: [v] = 1- |(p – q)/2|.
[18] Une telle définition se généralise pour la détermination des valeurs de vérité des thèses 3-composées, …, n-composées.
[19] De manière formelle, soit ainsi P Ù Q une thèse 2-composée, telle que P = zp1(a1(A/Ā, c1, q1)) et Q = zP2(a2(A/Ā, c2, q2), avec p1, p2, q1, q2 Î {-1, 0, 1}, c1, c2 Î {-1, 1} et a, b Î {A+, A0, A–, Ā+, Ā0, Ā–}; alors la thèse duale de P Ù Q est de la forme: zp1(a1 (A/Ā, –c1, q1)) Ù zP2(a2(A/Ā, –c2, q2). Une telle définition se généralise aisément aux thèses duales des thèses n-composées.
[20] La description des différentes étapes du processus dialectique ainsi défini suggère également d’autres types de plans que celui sur lequel l’accent est mis ici. Des plans alternatifs peuvent notamment mettre en évidence une partie relative à l’étape de détermination de la valeur de vérité de la thèse considérée, ou bien à la thèse duale de cette dernière.
[21] De manière alternative, on pourrait également considérer la variation suivante:
D’un point de vue analytique
1.1 Du point de vue de A0
1.1.1 Eloge de A+
1.1.2 Blâme de A–
1.2 Du point de vue de Ā0
1.2.1 Eloge de Ā+
1.2.2 Blâme de Ā–
D’un point de vue synthétique: la complémentarité entre A+et Ā+et entre A– et Ā–
[22] Une variation de ce type de plan consiste bien sûr à assimiler la partie 3 à la conclusion.
[23] Pour ce dernier type de thèse dont la structure est z+(A+) Ù z–(Ā–), on pourra également recourir à un autre type de plan qui met davantage l’accent sur la thèse duale z+(Ā+) Ù z–(A–). Un tel type de plan se révèle proche du plan dialectique classique et accorde une place importante à la thèse duale de la thèse étudiée, à savoir z+(éclectisme+) Ù z–(cloisonnement–). Un tel type de plan présente alors la structure suivante:
Thèse
1.1 Les avantages de l’expertise+
1.2 Les dangers de la superficialité–
Thèse duale
2.1 La nécessité de l’éclectisme+
2.2 Le risque du cloisonnement–
La nécessaire synthèse entreéclectisme+et expertise+, et superficialité– et cloisonnement–
Le cours est une version à visée pédagogique et pratique, qui expose les notions contenues dans mon article intitulé Le plan dialectique : pour une alternative au paradigme, publié dans la revue Semiotica.
L’ouvrage « ABC du plan dialectique matriciel » a pour but de présenter de manière simple, progressive et illustrée une méthode créée par l’auteur qui permet de réaliser aisémentun plan dialectique matriciel. Il s’agit d’un outil à vocation pratique qui constitue l’application directe de concepts d’essence philosophique. Lorsqu’on en a assimilé les principes, quelques secondes suffisent pour réaliser un plan dialectique matriciel. Ce dernier présente un certain nombre d’avantages par rapport au plan dialectique classique du type thèse-antithèse-synthèse.
L’élaboration d’un plan dialectique matriciel se révèle utile dans le domaine scolaire, pour la rédaction d’une dissertation ou d’un devoir de philosophie ; dans le domaine parascolaire, pour la rédaction de l’épreuve de sujet d’ordre général des concours ; et plus généralement, pour la rédaction de mémoires, de thèses, de rapports, de compte-rendus, etc.
Le plan dialectique matriciel s’applique à des questions ou des sujets du type :
Discutez l’opinion suivante : « Toute théorie est grise, mais vert et florissant est l’arbre de la vie. » (Goethe)
Commentez l’assertion suivante : « Comment souffrir que la passion soit mise au même rang que la raison ? » (Sénèque)