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Compléments pour une théorie des distorsions cognitives

Un article paru dans le Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, 2007, 17-2, pages 1-6.


Compléments pour une théorie des distorsions cognitives

Paul Franceschi

résidence la Pietrina

avenue de la grande armée

20000 Ajaccio

France

Université de Corse

RÉSUMÉ La présente étude se propose de présenter un cadre conceptuel pour les distorsions cognitives, permettant notamment de préciser les relations entre ces dernières. Ce cadre conceptuel est destiné à s’insérer au sein de la thérapie cognitive. La présente analyse est basée sur les concepts fondamentaux suivants : la classe de référence, la dualité et le système de taxons. À l’aide de ces trois notions, chaque distorsion cognitive est ensuite définie. Une distinction est également opérée entre d’une part, les distorsions cognitives générales et d’autre part, les distorsions cognitives spécifiques. Le présent modèle permet de définir au sein d’un même cadre conceptuel les distorsions cognitives générales telles que le raisonnement dichotomique, la disqualification de l’un des pôles, la minimisation et la maximisation. Il permet également de décrire en tant que distorsions cognitives spécifiques : la disqualification du positif, l’abstraction sélective et le catastrophisme. En outre, le présent modèle permet de prédire l’existence de deux autres distorsions cognitives générales : l’omission du neutre et la requalification dans l’autre pôle.


Les distorsions cognitives, introduites par Aaron Beck (1963, 1964) sont classiquement définies comme des raisonnements fallacieux jouant un rôle déterminant dans l’émergence d’un certain nombre de troubles mentaux. La thérapie cognitive en particulier se fonde sur l’identification de ces distorsions cognitives dans le raisonnement usuel du patient, et leur remplacement par des raisonnements alternatifs. Classiquement, les distorsions cognitives sont décrites comme l’un des douze modes de raisonnement irrationnel suivants : 1. Raisonnement émotionnel 2. Hyper-généralisation 3. Inférence arbitraire 4. Raisonnement dichotomique 5. Obligations injustifiées (Should statements, (Ellis 1962)) 6. Divination ou lecture mentale 7. Abstraction sélective 8. Disqualification du positif 9. Maximisation et minimisation 10. Catastrophisme 11. Personnalisation 12. Etiquetage.

Sous leur forme classique qui est celle d’une énumération, les distorsions cognitives jouent un rôle essentiel au niveau de la thérapie cognitive. Pour cette raison, il apparaît qu’un cadre conceptuel, permettant notamment de définir les relations entre les différentes distorsions cognitives, pourrait également se révéler utile. Dans ce qui suit, nous nous attacherons à présenter une théorie générale des distorsions cognitives, qui procure un certain nombre de compléments par rapport à la théorie classique.

1. Notions principales

Le présent cadre permet de décrire un certain nombre de distorsions cognitives classiques : le raisonnement dichotomique, la disqualification de l’un des pôles, l’abstraction sélective, la minimisation et la maximisation. À celles-ci peuvent être ajoutées deux autres distorsions cognitives dont le présent modèle permet de prédire l’existence et qui sont étroitement apparentées aux distorsions cognitives classiques, bien qu’elles ne figurent pas, à la connaissance de l’auteur, au nombre de ces dernières. Il s’agit de l’omission du neutre et de la requalification dans l’autre pôle.

Les distorsions cognitives peuvent être construites, dans le présent modèle, à partir de trois notions principales : la classe de référence, la dualité et le système de taxons. Il convient, de manière préliminaire, de s’attacher à décrire ces trois notions. La classe de référence, en premier lieu, est constituée par un ensemble de phénomènes ou d’objets. Plusieurs exemples peuvent en être donnés : la classe composée des événements et des faits de la vie du patient ; la classe des événements futurs de la vie du patient ; la classe de référence constituée par l’ensemble des parties du corps du patient ; la classe qui est composée des traits de caractère du patient.

La notion de dualité, en second lieu, correspond à une paire de concepts telle que Positif/Négatif, Interne/Externe, Collectif/Individuel, Beau/Laid, etc. Une dualité correspond ainsi à un critère sous l’angle duquel les éléments de la classe de référence peuvent être appréhendés ou évalués. On peut dénoter par A/Ā une dualité donnée, où A et Ā constituent des concepts duaux. Une énumération (nécessairement partielle) des dualités est la suivante: Positif/Négatif, Interne/Externe, Quantitatif/Qualitatif, Visible/Invisible, Analytique/Synthétique, Absolu/Relatif, Abstrait/Concret, Statique/Dynamique, Unique/Multiple, Esthétique/Pratique, Précis/Vague, Fini/Infini, Simple/Composé, Individuel/Collectif, Implicite/Explicite, Volontaire/Involontaire.

Enfin, le système de taxons du patient consiste en une taxonomie qui permet au patient d’évaluer et de classifier les éléments de la classe de référence, selon le critère correspondant à une dualité donnée A/Ā. Les taxons peuvent être considérés comme “ce que peut voir” le patient. Il s’agit d’un système de valeurs qui lui est propre ou bien d’un filtre à travers lequel le patient “voit” les éléments de la classe de référence, c’est-à-dire les phénomènes ou les objets de la réalité. La figure ci-dessous représente un système de taxons optimal.

Fig.1. Le système de taxons optimal

Ce dernier est composé de 11 sphères qui représentent chacune un taxon donné. Le système de taxons est optimal, car tous les taxons sont présents. En revanche, si le patient ne possède pas certains taxons, il ne peut voir ni compter les éléments correspondants. Ainsi, s’il ne possède pas les taxons de la dualité A/Ā correspondants au pôle A, il ne peut voir les éléments correspondants. Ou de même, si le patient ne possède pas le taxon neutre, il ne peut voir les éléments neutres de la classe de référence. De manière formelle, on considère ainsi une série de n éléments E1, E2, …, En tels que chacun d’eux possède, de manière objective, un degré d[Ei] dans la dualité A/Ā compris entre -1 et 1 (d  [-1, +1]). On peut considérer ainsi une série comportant 11 éléments, E1, E2, …, E13, qui présentent un degré objectif croissant (le choix de 11 éléments est ici arbitraire, et tout autre nombre conviendrait également). On peut poser ainsi: d[E1] = -1, d[E2] = -4/5, d[E3] = -3/5, d[E4] = -2/5, d[E5] = -1/5, d[E6] = 0, d[E7] = 1/5, d[E8] = 2/5, d[E9] = 3/5, d[E10] = 4/5, d[E11] = 1. De même, on peut définir un degré subjectif [Ei] tel qu’il est attribué par le patient à chacun des Ei. Ainsi, E1-E5 correspond au pôle A de la dualité A/Ā, E6 au taxon neutre et E7-E11 au pôle Ā. En outre, ce système de taxons optimal peut être assimilé à un échelle de Likert à 11 degrés.

À ce stade, nous sommes en mesure de définir les principales distorsions cognitives, et il convient de les analyser tour à tour. Les distorsions cognitives peuvent être définies comme un type de raisonnement qui conduit à privilégier, sans fondement objectif, un sous-ensemble des taxons applicables à une dualité donnée, pour qualifier une classe de référence donnée. Il s’avère également utile de distinguer, de manière préliminaire, les distorsions cognitives générales et les distorsions cognitives spécifiques. Les distorsions cognitives générales concernent toutes les classes de référence et toutes les dualités. À l’inverse, les distorsions cognitives spécifiques sont des instances de distorsions cognitives générales qui sont inhérentes à une classe de référence et à une dualité données.

2. Les distorsions cognitives

2.1 Le raisonnement dichotomique

Dans le présent contexte, le raisonnement dichotomique (ou raisonnement tout ou rien) peut être défini comme une distorsion cognitive générale qui conduit le patient à n’appréhender une classe de référence qu’en fonction des taxons extrêmes correspondant à chaque pôle d’une dualité donnée. Avec ce type de raisonnement, le patient ignore totalement la présence de degrés ou d’étapes intermédiaires. Dans son système de taxons, le patient ne possède ainsi que les deux taxons extrêmes correspondant aux pôles A et Ā. Le défaut de cette manière d’appréhender les choses est que les faits ou les objets correspondant aux taxons intermédiaires ne sont pas pris en compte. Il en résulte ainsi un raisonnement sans nuances ni gradation, qui s’avère inadapté pour appréhender la diversité des situations humaines. De manière formelle, le raisonnement dichotomique consiste à ne prendre en compte que les éléments de la classe de référence tels que |d[Ei]| = 1, soit d[E1] = 1 ou d[E11] = -1, en ignorant tous les autres.

Fig.2. Le raisonnement dichotomique

2.2 La disqualification de l’un des pôles

Dans le présent modèle, la disqualification de l’un des pôles est la distorsion cognitive générale qui conduit à accorder une préférence arbitraire à l’un des pôles d’une dualité donnée, pour qualifier les éléments d’une classe de référence. Il s’agit ainsi du fait d’attribuer plus d’importance à l’un des pôles plutôt qu’à l’autre, en l’absence de motivation objective. Les taxons correspondant à l’un des pôles d’une dualité sont absents du système de taxons du patient. Ainsi, le patient ne voit les choses qu’à travers le prisme du pôle A (respectivement Ā), en méconnaissant totalement le point de vue du pôle opposé Ā (respectivement A). De manière formelle, la disqualification de l’un des pôles conduit à ne considérer que les Ei tels que d[Ei] ≤ 0 (respectivement d[Ei] ≥ 0), en ignorant les événements tels que d[Ei] > 0 (respectivement d[Ei] < 0).

Fig.3. La disqualification de l’un des pôles

Une instance de la disqualification d’un des pôles consiste dans la disqualification du positif. Cette dernière s’analyse, dans la présent contexte, en une instance spécifique de la disqualification d’un des pôles, qui s’applique à la dualité Positif/Négatif et à la classe de référence incluant les faits et les événements de la vie du patient. Le patient tend ainsi à ignorer les événements positifs, en considérant qu’ils ne comptent pas, pour telle ou telle raison. Une telle instance trouve à s’appliquer dans la thérapie cognitive de la dépression.

Une autre instance de la disqualification d’un des pôles s’applique également à la dualité Positif/Négatif et à la classe de référence qui inclut les traits de caractère du patient. Celui-ci ignore complètement les traits de caractère positifs (qualités) qui sont les siens et ne porte son attention que sur ses traits de caractère négatifs (défauts). Ceci l’incite ensuite à conclure qu’il ne “vaut rien”, qu’il “est nul”. Une telle instance s’applique également dans la thérapie cognitive de la dépression.

2.3 La focalisation arbitraire sur une modalité donnée

Un autre type de distorsion cognitive générale consiste dans la focalisation arbitraire sur une modalité appartenant à une dualité donnée. Dans le présent contexte, ce type de distorsion cognitive générale conduit à privilégier l’un des taxons dans le système de taxons du patient, en ignorant tous les autres. Dans la focalisation arbitraire, le taxon en question est présent dans le système de taxons du patient, et se trouve affecté à un élément unique de la classe de référence. Il y a occultation (en général temporaire) des autres taxons et des autres éléments de la classe de référence, de sorte que le patient est obsédé par cet élément.

Fig.4. La focalisation arbitraire

Une instance particulière de ce type de distorsion cognitive générale, se rapporte à la classe de référence des faits de la vie du patient, et à la dualité Positif/Négatif. Il s’agit d’une distorsion cognitive spécifique, qui consiste dans la focalisation sur un événement négatif de la vie du patient. Il s’agit là d’une des distorsions cognitives classiques, définie comme l’abstraction sélective (Mental filter), qui consiste dans le fait de sélectionner un détail à connotation négative et de focaliser sur ce dernier. De la sorte, le patient ne voit plus que ce détail, et sa vision de la réalité se trouve assombrie car elle est entièrement teintée de cet événement particulier. Une telle instance s’applique dans la thérapie cognitive de la dépression.

On peut mentionner également une autre instance de la focalisation arbitraire, qui s’applique de même à la dualité Positif/Négatif, mais se rapporte à la classe de référence composée des hypothétiques événements futurs de la vie du patient. Dans ce cas, le patient focalise sur la possible survenue d’un événement très négatif. Une telle instance trouve à s’appliquer dans la thérapie cognitive du trouble anxieux généralisé.

Une autre instance spécifique de la focalisation arbitraire s’applique à la dualité Beau/Laid et à une classe de référence qui s’identifie à l’ensemble des parties du corps du patient. Le patient focalise alors sur un détail de son anatomie qu’il considère comme laid. Le patient possède, dans son système de taxons, le taxon Laid en question. De plus, il attribue ce taxon à une partie unique de son corps, alors que tous les autres taxons sont temporairement occultés. Une telle distorsion cognitive spécifique trouve son application dans la thérapie cognitive du trouble dysmorphique corporel (Neziroglu et Yaryura-Tobias 1993, Veale et Riley 2001, Veale 2004).

2.4 L’omission du neutre

Le présent modèle conduit également à prédire l’existence d’un autre type de distorsion cognitive générale, qui consiste dans l’omission du neutre. Cette distorsion cognitive provient de l’absence, dans le système de taxons du patient, du taxon neutre. Il s’ensuit que les éléments de la classe de référence qui peuvent être objectivement définis comme neutres selon la dualité A/Ā, ne sont pas pris en compte par le patient. Formellement, le patient omet de considérer les Ei tels que d[Ei] = 0. L’omission du neutre revêt parfois un rôle important, notamment lorsqu’il existe une distribution gaussienne des éléments de la classe de référence, où les éléments qui se voient affecter le taxon neutre sont précisément ceux qui sont les plus nombreux.

Fig.5. L’omission du neutre

2.5 La requalification dans l’autre pôle

Le présent modèle conduit également à prédire l’existence d’un autre type de distorsion cognitive générale. Il s’agit du raisonnement qui consiste à requalifier un événement appartenant à une dualité donnée A, dans l’autre dualité Ā. Formellement, le degré subjectif attribué par le patient à l’événement E est l’inverse de son degré objectif, de sorte que: [E] = (-1) x d[E].

Fig.6. La requalification dans l’autre pôle

Une instance caractéristique de la requalification dans l’autre pôle consiste dans la distorsion cognitive spécifique qui s’applique à la classe des événements de la vie du patient et à la dualité Positif/Négatif. Ceci consiste typiquement à requalifier comme négatif un événement qui devrait être objectivement considéré comme positif. En requalifiant de manière négative des événements positifs, le patient peut parvenir à la conclusion que tous les événements de sa vie sont d’une nature négative. Par exemple, en considérant les événements de sa vie passée, le patient constate qu’il n’a commis aucun acte de violence. Il considère cela comme “suspect”. Ce type instance trouve également son champ d’application dans la thérapie cognitive de la dépression.

Une autre instance de la requalification dans l’autre pôle consiste dans la distorsion cognitive spécifique qui s’applique à la classe des parties du corps du patient et à la dualité Beau/Laid. Typiquement, le patient requalifie comme “laide” une partie de son corps qui est objectivement “belle”. Une telle distorsion cognitive spécifique est pertinente dans la thérapie cognitive du trouble dysmorphique corporel.

2.6 La minimisation ou la maximisation

Cette distorsion cognitive générale consiste à attribuer à un élément de la classe de référence, un taxon selon le critère de la dualité A/Ā qui s’avère inférieur (minimisation) ou supérieur (maximisation) à sa valeur objective. Il s’agit là d’une distorsion cognitive classique. Le degré subjectif [E] qui est attribué par le patient à un événement E diffère de manière significative de son degré objectif d[E]. Dans la minimisation, ce degré subjectif est nettement inférieur, de sorte que |[E]| < |d[E]|. Dans la maximisation, à l’inverse, le degré subjectif est nettement supérieur, tel que |[E]| > |d[E]|.

Fig.7. La maximisation et la minimisation

Une instance spécifique de la minimisation se rapporte à la classe des faits de la vie du patient et à la dualité Positif/Négatif. Le patient tend à considérer certains faits de son existence comme moins positifs qu’ils ne le sont en réalité. Dans la maximisation, il considère certains faits de sa vie comme plus négatifs qu’ils ne le sont véritablement. Dans le présent contexte, la distorsion cognitive classique de catastrophisme (ou dramatisation) peut être considérée comme une distorsion cognitive spécifique, qui consiste en une maximisation appliquée au pôle négatif de la dualité Positif/Négatif. Le patient attribue alors un degré subjectif [E] dans la dualité Positif/Négatif à un événement, alors que la valeur absolue de son degré objectif d[E] est très nettement inférieure. Une telle instance trouve à s’appliquer dans la thérapie cognitive de la dépression.

3. Conclusion

On le voit, la présente théorie fournit, par rapport à la théorie classique, un certain nombre d’éléments, qui permettent de définir et de classifier, au sein d’un même cadre conceptuel, les distorsions cognitives classiques. Ces dernières sont considérées ici, soit comme des distorsions cognitives générales, soit comme des distorsions cognitives spécifiques, c’est-à-dire des instances des distorsions cognitives générales s’appliquant à une classe de référence et à une dualité données. Ainsi, le raisonnement dichotomique, la maximisation et la minimisation constituent des distorsions cognitives générales. Et de même, la disqualification du positif, l’abstraction sélective, la focalisation négative et le catastrophisme constituent autant de distorsions cognitives spécifiques. En outre, la présente analyse a permis de décrire deux distorsions cognitives générales supplémentaires : l’omission du neutre et la requalification dans l’autre pôle.


Références

Beck AT. Thinking and depression: Idiosyncratic content and cognitive distortions. Archives of General Psychiatry, 1963, 9, 324-333.

Beck AT. Thinking and depression: Theory and therapy, Archives of General Psychiatry, 1964, 10, 561-571.

Ellis A. Reason and Emotion in Psychotherapy, Lyle Stuart, New York , 1962.

Neziroglu FA et Yaryura-Tobias JA. Exposure, response prevention, and cognitive therapy in the treatment of body dysmorphic disorder. Behavior Therapy, 1993, 24, 431-438.

Veale D., et Riley S. Mirror, mirror on the wall, who is the ugliest of them all? The psychopathology of mirror gazing in previous termbody dysmorphic disorder.next term. Behaviour Research and Therapy, 2001, 39, 1381-1393.

Veale D. Advances in a cognitive behavioural model of body dysmorphic disorder. Body Image, 2004, 1, 113-125.

Théorie des distorsions cognitives : la personnalisation

Un article paru dans le Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, 2010, vol. 20-2, pages 51-55.


Théorie des distorsions cognitives : la personnalisation

Paul  FRANCESCHI

Fontaine du Salario

Lieu-dit Morone

20000 Ajaccio

France

Université de Corse

Résumé Dans un précédent article (Compléments pour une théorie des distorsions cognitives, Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, 2007), nous avons présenté des éléments destinés à contribuer à une théorie générale des distorsions cognitives. Basés sur la classe de référence, la dualité et le système de taxons, ces éléments ont permis de définir des distorsions cognitives générales (raisonnement dichotomique, disqualification de l’un des pôles, minimisation, maximisation) ainsi que des distorsions cognitives spécifiques (disqualification du positif, abstraction sélective, catastrophisme). En distinguant également entre trois niveaux de raisonnement – la phase d’instanciation, la phase d’interprétation et la phase de généralisation – nous avons également défini deux autres distorsions cognitives : la sur-généralisation et l’étiquetage (Théorie des distorsions cognitives : la sur-généralisation et l’étiquetage, Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, 2009). Nous étendons ici ce modèle à une autre distorsion cognitive classique : la personnalisation.


Dans [1], nous nous sommes attachés à présenter plusieurs éléments destinés à contribuer à une théorie générale des distorsions cognitives. Ces éléments sont basés sur trois notions fondamentales : la classe de référence, la dualité et le système de taxons. À l’aide de ces trois éléments, nous avons pu définir au sein d’un même cadre conceptuel les distorsions cognitives générales telles que le raisonnement dichotomique, la disqualification de l’un des pôles, la minimisation et la maximisation, ainsi que la requalification dans l’autre pôle et l’omission du neutre. De même, nous avons pu décrire en tant que distorsions cognitives spécifiques : la disqualification du positif, l’abstraction sélective et le catastrophisme. Dans [2], nous avons introduit trois niveaux de raisonnement – la phase d’instanciation, la phase d’interprétation et la phase de généralisation, qui ont permis de définir dans ce même cadre conceptuel, deux autres distorsions cognitives classiques : la sur-généralisation et l’étiquetage. Dans le présent article, nous nous attachons à définir et à situer dans ce cadre conceptuel une autre distorsion cognitive classique : la personnalisation.

La personnalisation constitue une des douze distorsions cognitives classiquement définies : raisonnement émotionnel ; sur-généralisation ; inférence arbitraire ; raisonnement dichotomique ; obligations injustifiées (should statements) ; divination ou lecture mentale ; abstraction sélective ; disqualification du positif ; maximisation/minimisation ; catastrophisme ; personnalisation ; étiquetage [3-4]. La personnalisation est définie habituellement comme le fait d’attribuer indûment à soi-même la cause d’un événement extérieur. Par exemple, voyant une personne qui rit, le patient pense que c’est à cause de son apparence physique. De même, s’agissant d’un événement négatif, le patient s’en rend responsable, de manière injustifiée. Ainsi, si sa compagne a échoué à son examen, le patient estime alors que cela est dû au fait qu’il est déprimé. Dans ce qui suit, nous nous proposons tout d’abord de clarifier la définition de la personnalisation et de la situer dans le contexte de la théorie des distorsions cognitives [1-2]. En second lieu, nous nous attachons à clarifier les relations existant entre la personnalisation et plusieurs notions voisines mentionnées dans la littérature : le biais de personnalisation [5], les idées de référence [6] et le délire de référence [7].

La personnalisation et le sophisme post hoc

Nous nous attacherons tout d’abord à mettre en évidence la structure-même des cas de personnalisation. Considérons ainsi l’exemple précité où le patient voit une personne qui rit et pense que celle-ci rit à cause de son apparence physique. Ceci constitue une instance de personnalisation. Nous pouvons décrire, de manière plus formelle, le raisonnement qui sous-tend une telle instance (dans ce qui suit, le symbole ∴ dénote la conclusion) :

(P11)en T1 je me promenaisprémisse1
(P12)en T2 le passant s’est mis à rireprémisse2
(P13)∴ en T2 le passant s’est mis à rire parce qu’il a vu qu’en T1 je me promenaisconclusion1
(P14)∴ en T2 le passant s’est moqué de moiconclusion2

Le patient met ici en relation un événement interne (« je me promenais ») avec un événement externe (« le passant s’est mis à rire »). Il conclut ainsi que l’événement interne est la cause de l’évènement externe. Dans cette phase, le patient « personnalise » un événement externe, qu’il considère comme causé par un évènement interne, alors que cet événement externe est en réalité dénué de tout rapport avec le patient lui-même. Dans une étape ultérieure (P14), le patient interprète la conclusion précédente (P13) en considérant que le passant s’est moqué de lui.

À ce stade, il convient de s’interroger sur la nature précise de l’erreur de raisonnement commise par le patient. Il apparaît ici que les deux prémisses (P11) et (P12) constituent des faits authentiques et se révèlent donc vraies. En revanche, la conclusion (P13) qui conclut à l’existence d’une relation de causalité entre deux évènements consécutifs E1 (« en T1 je me promenais ») et E2 (« en T2 le passant s’est mis à rire ») n’apparaît pas justifiée. En effet, les deux prémisses ne font qu’établir une relation d’antériorité entre les deux faits consécutifs E1 et E2. Et la conclusion (P13) qui en déduit une relation de causalité se révèle donc trop forte. L’argument apparaît ici invalide et le raisonnement correspondant présente ainsi un caractère fallacieux. L’erreur de raisonnement correspondante, qui conclut à une relation de causalité alors qu’il n’existe qu’une simple relation d’antériorité, est classiquement dénommée sophisme post hoc (post hoc fallacy), d’après la locution latine « Post hoc, ergo propter hoc » (après cela, donc à cause de cela). Il s’agit là d’une erreur de raisonnement très commune, qui se trouve notamment à la base de nombreuses superstitions [8-9].

Dans ce contexte, nous pouvons remarquer que le cas de sophisme post hoc qui vient d’être décrit en tant qu’argument de personnalisation, constitue également un cas d’inférence arbitraire, une autre distorsion cognitive classiquement définie.

Étapes d’instanciation, d’interprétation et de généralisation au niveau des arguments de personnalisation

À ce stade, il apparait utile distinguer entre les niveaux d’arguments qui conduisent à la personnalisation en tant que distorsion cognitive. Ceci conduit à distinguer trois niveaux au sein des arguments de personnalisation, parmi les étapes du raisonnement. Ces dernières correspondent respectivement à trois fonctions différentes : il s’agit des phases successives d’instanciation, d’interprétation et de généralisation. À cette fin, il est utile de présenter l’ensemble du raisonnement qui sous-tend les arguments de personnalisation et qui comporte les trois étapes précitées :

(P11)en T1 je me promenaisprémisse11
(P12)en T2 le passant s’est mis à rireprémisse12
(P13)∴ en T2 le passant s’est mis à rire parce qu’il a vu qu’en T1 je me promenaisconclusion11
(P14)∴ en T2 le passant s’est moqué de moiconclusion12
(P21)en T3 je feuilletais une revue chez le libraireprémisse21
(P22)en T4, le libraire a eu un sourire narquoisprémisse22
(P23)∴ en T4 le libraire a eu un sourire narquois parce qu’il a vu qu’en T3 je feuilletais une revueconclusion21
(P24)∴ en T4, le libraire s’est moqué de moiconclusion22
(P31)en T5 je suis entré dans la salle de réunionprémisse31
(P32)en T6, mes collègues se sont mis à rireprémisse32
(P33)∴ en T6, mes collègues se sont mis à rire parce qu’en T5 je suis entré dans la salle de réunionconclusion31
(P34)∴ en T6, mes collègues riaient de moiconclusion32
(…)
(P105)∴ les gens se moquent de moide (P14)-(P104)

Ici, les instances d’arguments précédents (P11)-(P13), (P21)-(P23), (P31)-(P33), etc. constituent les étapes primaires des arguments de personnalisation, par lesquelles le patient considère qu’un événement le concernant est la cause d’un événement externe. Ce type d’argument correspond à la phase d’instanciation. Ainsi que cela a été mentionné plus haut, un tel argument est fallacieux car il est basé sur le sophisme post hoc. Dans une étape ultérieure dont la fonction est interprétative, et qui a pour but de donner un sens aux conclusions (P13), (P23), (P33), … des instances du type d’argument précédent, le patient interprète cela en concluant que la personne s’est moquée de lui. De telles conclusions (P14), (P24), (P34) apparaissent fondées, si les prémisses (P13), (P23), (P33) sont vraies. Enfin, dans une phase ultérieure de généralisation, le patient énumère un certain nombre d’instances ou d’occasions où il pense que des gens ont ri ou se sont moqués de lui ((P14), (P24), (P34), …) et généralise ensuite à la conclusion (P105) selon laquelle les gens se moquent de lui. Cette dernière phase est de nature inductive, et correspond à une induction énumérative, dont la structure est la suivante :.

(P14)en T2 le passant s’est moqué de moiconclusion12
(P24)en T4, le libraire s’est moqué de moiconclusion22
(P34)en T6, mes collègues riaient de moiconclusion32
(…)
(P105)∴ les gens se moquent de moide (P14)-(P104)

Compte tenu de ce qui précède, nous pouvons désormais donner une définition de la personnalisation. L’analyse qui précède conduit à distinguer trois étapes dans les arguments de personnalisation. Au niveau des arguments de personnalisation primaires (phase d’instanciation), il s’agit de la tendance présentée par un patient à établir une relation de causalité injustifiée entre deux événements, dont l’un est externe et l’autre est interne au patient. Le patient personnalise ainsi, c’est-à-dire met en relation avec lui-même, un événement extérieur, qui s’avère en réalité dépourvu de toute relation de causalité. Le mécanisme qui sous-tend un tel argument consiste ainsi en l’attribution erronée d’une relation de causalité, fondée sur le sophisme post hoc. Au niveau des arguments de personnalisation secondaires (phase d’interprétation), le patient donne un sens à la conclusion précédente en concluant qu’à un moment donné, une personne (ou plusieurs) s’est moquée de lui, a ri de lui, etc. Enfin, au niveau des arguments de personnalisation tertiaires (phase de généralisation), le patient conclut que, d’une manière générale, les gens se moquent de lui.

La personnalisation et le biais de personnalisation

À ce stade, il apparaît utile de distinguer la personnalisation en tant que distorsion cognitive du biais de personnalisation. Celui-ci est défini comme un biais d’attribution (« personalising attributional bias »), par lequel le patient attribue à d’autres personnes plutôt qu’aux circonstances la cause d’un événement négatif [5-10]. Le biais de personnalisation est souvent associé aux délires polythématiques [10-11-12] rencontrés dans la schizophrénie.

Compte tenu de cette définition, les différences entre les deux notions peuvent être résumées ainsi : dans la personnalisation en tant que distorsion cognitive, le patient attribue la cause d’un événement extérieur à un événement qui concerne en propre le patient ; en revanche, dans le biais de personnalisation, le patient attribue la cause d’un événement interne à des personnes extérieures. Ceci permet de mettre en évidence plusieurs différences fondamentales entre les deux notions. Tout d’abord, dans la personnalisation en tant que distorsion cognitive, la « personne » est le patient lui-même, alors que dans le biais de personnalisation, il s’agit de « personnes » extérieures. En second lieu, dans la structure de la personnalisation, un événement interne précède un événement externe ; à l’inverse, dans le schéma du biais de personnalisation, c’est un événement externe qui précède un événement interne. Enfin, dans la personnalisation en tant que distorsion cognitive, l’évènement interne est indifféremment de nature positive, neutre ou négative, alors que dans le biais de personnalisation, l’évènement interne est un évènement de type négatif. Ainsi, il s’avère finalement que les deux notions apparaissent comme fondamentalement distinctes.

La personnalisation et les idées de référence

Il apparaît également utile, dans un souci de clarification, de déterminer également les relations entre la personnalisation, et les idées de référence. De manière préliminaire, il convient de préciser que l’on distingue habituellement entre les idées de référence et les délires de référence ([13] p. 266). Les idées de référence se caractérisent par le fait qu’un patient considère que des événements anodins sont en relation avec lui-même, alors que tel n’est pas le cas en réalité. Par exemple, le patient entend plusieurs personnes rire, et considère, de manière injustifiée, que ces dernières se moquent de lui. Parallèlement, le délire de référence constitue l’un des symptômes fréquemment observés dans la schizophrénie, et conduit le patient à être persuadé que les médias, la télévision, la radio parlent de lui ou émettent des messages le concernant. Plusieurs critères permettent de distinguer les idées de référence des délires de référence. En premier lieu, les idées de référence ont beaucoup moins d’impact sur la vie du patient que les délires de référence. De même, le degré de conviction qui est associé aux idées de référence est nettement moindre que pour les délires de référence. Enfin, les idées de référence (« le voisin s’est moqué de moi ») sont associés à des croyances dont le degré de plausibilité est beaucoup plus fort que celui qui est inhérent aux délires de référence (« les journaux parlent de moi »).

Dans ce contexte, les arguments de personnalisation précités (P11)-(P14), (P21)-(P24), et (P31)-(P34), par lesquels le patient conclut que des personnes se moquent de lui, correspondent tout à fait à la définition des idées de référence. Il apparaît ainsi que la personnalisation, telle que celle-ci a été définie plus haut en tant que distorsion cognitive, s’identifie avec les idées de référence.

La personnalisation et le délire de référence

On distingue traditionnellement au niveau des délires polythématiques rencontrés dans la schizophrénie : le délire de référence, le délire d’influence, le délire de contrôle, le délire de télépathie, le délire de grandeur, et le délire de persécution. Le délire de référence conduit par exemple le patient à croire avec une très forte conviction que les médias, les journaux, la télévision parlent de lui.

Il est utile de décrire ici un mécanisme susceptible de conduire à la construction du délire de référence. Un tel mécanisme apparait fondé sur un raisonnement [14] qui comporte, de même que les instances primaires de personnalisation mentionnées plus haut, un sophisme post hoc :

(DR11)en T1 je buvais un apéritifprémisse11
(DR12)en T2 le présentateur de l’émission a dit : « Il ne faut pas boire ! »prémisse12
(DR13)∴ en T2 le présentateur a dit : « Il ne faut pas boire ! » parce qu’en T1 je buvais un apéritifconclusion11
(DR14)∴ en T2 le présentateur de la télévision a parlé de moiconclusion12

Soit également cette seconde instance :

(DR21)en T3 j’avais du mal à sortir du litprémisse21
(DR22)en T4 l’animateur à la radio a dit : « Il faut être énergique ! »prémisse22
(DR23)∴ en T4 l’animateur à la radio a dit : « Il faut être énergique ! » parce qu’en T3 j’avais du mal à sortir du litconclusion21
(DR24)∴ en T4 l’animateur à la radio a parlé de moiconclusion22
(…)

Au niveau de la phase instantielle (DR11)-(DR13), (DR21)-(DR23), … le patient conclut ici qu’un événement interne est la cause d’un évènement externe. Puis dans une phase interprétative, il interprète les conclusions (DR13), (DR23), … des arguments précédents en considérant que les animateurs ou les présentateurs d’émissions parlent de lui. Finalement, dans une phase de généralisation, de nature inductive, le patient énumère toutes les conclusions (DR14), (DR24), … des arguments secondaires (phase d’interprétation) et généralise :

(DR14)∴ en T2 , le présentateur de la télévision a parlé de moi
(DR24)∴ en T4, l’animateur à la radio a parlé de moi
(…)
(DR105)∴ les médias parlent de moiconclusion

Il s’avère ainsi que la structure-même du mécanisme qui conduit à la formation des délires de référence ainsi décrit, est identique à celle du raisonnement qui conduit aux idées de référence associés à la personnalisation en tant que distorsion cognitive.

Finalement, il apparaît que les développements qui précèdent permettent de préciser la définition de la personnalisation et de la situer dans le contexte des distorsions cognitives [1-2]. La personnalisation est ainsi susceptible de se manifester au niveau des arguments pathogènes primaires, secondaires ou ternaires, qui correspondent respectivement à des phases d’instanciation, d’interprétation, et de généralisation. Au niveau des arguments pathogènes primaires, correspondant à une fonction d’instanciation, il s’agit d’instances dont les conclusions conduisent le patient à conclure, de manière injustifiée, que certains événements extérieurs sont causés par certaines de ses actions. Au niveau des arguments pathogènes secondaires, qui correspondent à une fonction d’interprétation, la personnalisation revêt la forme d’un raisonnement par lequel le patient interprète la conclusion de l’argument pathogène primaire en concluant par exemple que les gens de moquent de lui. Finalement, au niveau des arguments pathogènes tertiaires, associés à une fonction de généralisation, le patient généralise à partir des conclusions de plusieurs arguments pathogènes secondaires et conclut ainsi que, d’une manière générale, les gens se moquent de lui.

Enfin, il apparaît que la définition précédente de la personnalisation en tant que distorsion cognitive permet de décrire précisément les relations existant entre la personnalisation et des notions voisines telles que le biais de personnalisation, les idées de référence et les délires de référence.


Références

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[14] Franceschi P. Une défense logique du modèle de Maher pour les délires polythématiques. Philosophiques 2008; 35(2): 451-75.

Théorie des distorsions cognitives  : la sur-généralisation et l’étiquetage

Un article paru dans le Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, 2009, 19-4, pages 136-140.


Théorie des distorsions cognitives  : la sur-généralisation et l’étiquetage

Paul FRANCESCHI

Fontaine du Salario

lieu-dit Morone

20000 Ajaccio

France

Université de Corse

Résumé : Dans un précédent article (Compléments pour une théorie des distorsions cognitives, Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, 2007), nous avons présenté des éléments destinés à contribuer à une théorie générale des distorsions cognitives. Basés sur la classe de référence, la dualité et le système de taxons, ces éléments permettent de définir les distorsions cognitives générales ainsi que les distorsions cognitives spécifiques. Ce modèle est étendu ici à la description de deux autres distorsions cognitives classiques : la sur-généralisation et l’étiquetage. La définition de ces deux dernières distorsions cognitives repose sur la distinction préalable entre trois niveaux de raisonnement : les arguments pathogènes primaires, secondaires et ternaires. Cette dernière analyse conduit également à définir deux autres distorsions cognitives qui prennent place au sein de ce schéma : la projection inductive infondée et le biais de confirmation.


Dans Franceschi (2007), nous nous sommes attachés à présenter plusieurs éléments destinés à contribuer à une théorie générale des distorsions cognitives. Ces éléments sont basés sur trois notions fondamentales : la classe de référence, la dualité et le système de taxons. À l’aide de ces trois éléments, nous avons pu définir au sein d’un même cadre conceptuel les distorsions cognitives générales : le raisonnement dichotomique, la disqualification de l’un des pôles, la minimisation et la maximisation, la requalification dans l’autre pôle et l’omission du neutre. De même, nous avons pu décrire en tant que distorsions cognitives spécifiques : la disqualification du positif, l’abstraction sélective et le catastrophisme. Dans le présent article, nous nous proposons de définir et de situer, au sein de ce même cadre conceptuel, deux autres distorsions cognitives classiques : la sur-généralisation et l’étiquetage

La sur-généralisation et l’étiquetageconstituent deux des 12 distorsions cognitives classiquement définies : raisonnement émotionnel ; sur-généralisation ; inférence arbitraire ; raisonnement dichotomique ; obligations injustifiées ; divination ou lecture mentale ; abstraction sélective ; disqualification du positif ; maximisation/minimisation ; catastrophisme ; personnalisation ; étiquetage (Beck 1964, Ellis 1962). La sur-généralisation est habituellement définie comme une généralisation grossière et infondée, comportant habituellement l’un ou l’autre des quantificateurs « tous », « aucun », « jamais », « toujours ». Elle est souvent décrite, en outre, comme une distorsion cognitive comportant quatre sous-catégories : le raisonnement dichotomique, l’abstraction sélective, la maximisation/minimisation, et la disqualification du positif. De même, l’étiquetage est classiquement défini comme une forme extrême de sur-généralisation, consistant dans l’apposition d’une étiquette à forte connotation négative et émotionnelle à soi-même ou à un sujet extérieur.

Arguments pathogènes primaires, ternaires et secondaires

Avant de s’attacher à définir la sur-généralisation et l’étiquetage dans le présent contexte, il apparaît nécessaire de décrire préalablement une structure de raisonnement pathogène (au sens étymologique : engendrant la souffrance), à caractère général, susceptible d’être rencontrée dans des troubles de nature très différente, tels que la dépression, l’anxiété généralisée, le trouble dysmorphique corporel, la scrupulosité ou le trouble explosif intermittent. Une telle structure de raisonnement comporte plusieurs niveaux d’arguments : primaire, secondaire et ternaire. De manière simplifiée, les arguments pathogènes primaires sont constitués par une énumération d’instances. Les arguments pathogènes secondaires consistent en une généralisation à partir de ces dernières instances. Enfin, les arguments pathogènes ternaires sont constitués par une interprétation de cette dernière généralisation. Globalement, un tel raisonnement présente une structure inductive.

À ce stade, il s’avère utile de mentionner plusieurs instances de ce type de raisonnement. Une première instance, susceptible d’être rencontrée dans la dépression (Beck 1967, 1987), est ainsi la suivante (le symbole  dénote la conclusion) :

(11)En janvier dernier, je me suis foulé la chevilleprémisse1
(12)En février dernier, j’ai perdu mon emploiprémisse2
(13)Il y a quinze jours, j’ai eu une grippeprémisse3
(14)Le mois dernier, je me suis disputé avec Lucprémisse4
(…)(…)
(110)Aujourd’hui, mon horoscope n’est pas bonprémisse10
(2)∴Tout ce qui m’arrive est mauvaisde (11)-(110)
(3)∴Je suis un raté !de (2)

Le patient énumère tout d’abord un certain nombre d’événements de sa vie passée et présente (11)-(110), qu’il qualifie de négatifs, à travers une phase primaire d’énumération des instances. Puis il effectue une généralisation (2) à partir de l’énumération précédente, qui présente la structure suivante :

(2)∴Tous les événements qui m’arrivent sont négatifsde (11)-(110)

Enfin, le patient interprète (3) cette dernière conclusion en concluant « Je suis un raté ! ». Une telle instance s’applique ainsi à la classe de référence des événements passés et présents de la vie du patient et à la dualité Positif/Négatif.

De même, on peut mentionner un raisonnement présentant une structure identique, susceptible d’être rencontré dans le trouble dysmorphique corporel (Veale 2004, Rabinowitz et al. 2007). Le patient énumère alors différentes parties de son corps, qu’il qualifie de laides. Il généralise ensuite en concluant que toutes les parties de son corps sont laides. Enfin, il ajoute : « Je suis affreux ! ». Le raisonnement correspondant s’applique ainsi à la dualité Beau/Laid et à la classe de référence des parties du corps du patient.

De même, dans un raisonnement de structure identique, susceptible d’être rencontré dans la scrupulosité (Tek & Ulug 2001, Miller & Edges 2007), le patient énumère plusieurs instances correspondant à des actes qu’il a commis antérieurement ou récemment, et qu’il juge moralement mauvais. Il conclut alors : « Tout ce que je fais est mal, moralement répréhensible », puis il interprète cela en concluant : « Je suis un horrible pêcheur ! ». Une telle conclusion est susceptible d’engendrer une culpabilisation intense et la pratique compulsive de rituels religieux. L’instance correspondante s’applique ici à la dualité Bien/Mal et à la classe de référence des actions passées et présentes de la vie du patient.

Enfin, une instance de cette structure de raisonnement peut contribuer au développement de l’hostilité, d’une attitude potentiellement agressive à l’égard d’autrui. Dans ce cas, le patient conclut à propos d’un sujet extérieur : « Tous les actes qu’il a commis à mon égard sont mauvais ». Il conclut ensuite : « C’est un salaud ! ». Une telle conclusion peut ainsi jouer un rôle dans le trouble explosif intermittent (Coccaro et al. 1998, Galovski et al. 2002). Dans un tel cas, la sur-généralisation s’applique à la dualité Bien/Mal et à la classe de référence des actions d’un sujet extérieur à l’égard du patient.

À ce stade, il apparaît nécessaire de décrire de manière plus détaillée chacune des trois phases – primaire, secondaire et ternaire – qui composent ce type de raisonnement.

Les arguments pathogènes primaires

La première étape dans le type de raisonnement précité, consiste pour le patient à énumérer un certain nombre d’instances. La structure générale de chacune de ces instances est la suivante :

(1i)L’objet xi de la classe de référence E possède la propriété Ā (dans la dualité A/Ā)prémissei

Dans l’exemple précité appliqué à la dépression, le patient énumère un certain nombre d’événements de sa vie passée et présente, qu’il qualifie de négatifs, sous la forme :

(1i)L’événement Ei de nature négative m’est arrivéprémissei

Les différentes instances correspondant à ce processus cognitif peuvent être décrites sous la forme d’un argument pathogène primaire, dont la structure est la suivante :

(1a)L’événement E1 m’est arrivéprémisse
(1b)L’événement E1 était de nature négativeprémisse
(1)∴ L’événement E1 de nature négative m’est arrivéde (1a), (1b)

Par un tel processus cognitif, le patient parvient à la conclusion selon laquelle un certain événement négatif lui est arrivé.

D’un point de vue déductif, ce type d’argument apparaît tout à fait valide (la conclusion est vraie si les prémisses sont vraies) dès lors que l’événement en question présente bien, objectivement, une nature négative. Toutefois, ce type d’argument primaire peut se révéler incorrect, lorsque l’événement considéré présente, objectivement, une nature positive ou neutre. Ce qui pêche alors dans le raisonnement, c’est le fait que la prémisse (1b) se révèle alors fausse. Tel peut être le cas par exemple si le patient fait usage d’une distorsion cognitive spécifique telle que la requalification dans le négatif. Dans un tel cas, le patient considère comme négatif un évènement dont la nature est objectivement positive.

Les arguments pathogènes secondaires

Au niveau du raisonnement mentionné plus haut, les arguments pathogènes secondaires sont constitués par la séquence qui procède par généralisation, à partir desinstances (11) à (110), selon la structure suivante :

(2)∴Tous les éléments xi de la classe de référence E possèdent la propriété Āde (11)-(110)

Une telle sur-généralisation conduit ainsi à la conclusion « Tous les événements qui m’arrivent sont mauvais » (dépression) ; « Toutes les parties de mon corps sont laides » (trouble dysmorphique corporel) ; « Tous mes actes sont moralement répréhensibles » (scrupulosité) ; « Tous les actes qu’il a commis à mon égard sont mauvais » (trouble explosif intermittent).

D’un point de vue déductif, une telle généralisation peut constituer un argument tout à fait valide. En effet, la généralisation qui en résulte constitue un raisonnement déductif correct, si les prémisses (11)-(110) sont vraies. Cependant, il s’avère fréquemment que les prémisses de l’argument soient fausses. Tel est notamment le cas lorsque le patient comptabilise parmi les éléments possédant la propriété Ā, un certain nombre d’éléments qui présentent objectivement la propriété opposée A. L’argument pêche alors à cause d’une requalification dans l’autre pôle portant sur certains éléments et l’énumération des instances comporte alors certaines prémisses fausses, invalidant ainsi la généralisation qui en résulte. Dans un tel cas, l’argument pathogène secondaire se révèle mal fondé, à cause de la fausseté de certaines prémisses.

Dans d’autres cas, l’argument pathogène secondaire se révèle fallacieux d’un point de vue inductif. Car certains événements positifs (ou neutres) peuvent avoir été omis dans l’énumération correspondante des instances. Une telle omission peut résulter de l’usage de distorsions cognitives générales, telles que l’omission du neutre ou la disqualification du positif. Dans un tel cas, les éléments de la classe de référence pertinente ne se trouvent pris en compte que partiellement, faussant ainsi la généralisation qui en résulte. Le raisonnement correspondant demeure alors logiquement valide et fondé, mais fondamentalement incorrect d’un point de vue inductif, car il ne prend en compte que partiellement les instances pertinentes au sein de la classe de référence. Une telle particularité de la sur-généralisation – une conclusion résultant d’un raisonnement valide d’un point de vue déductif, mais inductivement incorrect – permet d’expliquer comment il parvient notamment à tromper des patients dont le niveau d’intelligence peut par ailleurs se révéler élevé.

Les arguments pathogènes ternaires

Il convient de mentionner, enfin, le rôle joué par les arguments pathogènes ternaires qui consistent, au niveau du raisonnement précité, en la séquence suivante :

(2)Tous les événements qui m’arrivent sont de nature négativeprémisse
(3)∴Je suis un raté !de (2)

Dans un tel argument, la prémisse est constituée par la conclusion (2) de l’argument pathogène secondaire, à laquelle, dans une étape supplémentaire (3), le patient vise à donner un sens en l’interprétant. Il s’agit ici d’un cas d’étiquetage abusif (mislabelling). Au stade d’un argument pathogène tertiaire, l’étiquetage abusif peut ainsi revêtir les formes suivantes : « Je suis un raté ! » (dépression) ; « Je suis affreux ! » (trouble dysmorphique corporel) ; « Je suis un horrible pêcheur ! » (scrupulosité) ; « C’est un salaud ! » (trouble explosif intermittent). Dans le présent contexte, l’étiquetage abusif apparaît comme un argument invalide, qui constitue une interprétation grossière et injustifiée de la sur-généralisation (2).

La sur-généralisation

À ce stade, nous pouvons donner une définition de la sur-généralisation, en distinguant entre les sur-généralisations générales ou spécifiques. Une sur-généralisation générale s’applique à toute dualité et à toute classe de référence. Elle s’analyse comme la conclusion infondée d’un argument pathogène secondaire, dont les prémisses comportent un certain nombre de distorsions cognitives générales : raisonnement dichotomique, disqualification de l’un des pôles, focalisation arbitraire, minimisation/maximisation, omission du neutre ou requalification dans l’autre pôle. Il s’agit ainsi d’un raisonnement inductif mal fondé, car la généralisation qui en résulte est basée sur une comptabilisation incorrecte des instances correspondantes. De même, une sur-généralisation spécifique consiste en une instance de sur-généralisation générale, appliquée à une dualité et à une classe de référence données. Ainsi, la sur-généralisation spécifique « Tous les événements qui m’arrivent sont de nature négative » (dépression, anxiété généralisée) s’applique à la dualité Positif/Négatif et à la classe des événements de la vie du patient. De même, « Toutes les parties de mon corps sont laides » (trouble dysmorphique corporel) est une sur-généralisation qui s’applique à la classe de référence des parties du corps du patient et à la dualité Beau/Laid.

La projection inductive infondée

À ce stade, il apparaît utile de décrire une autre erreur de raisonnement, susceptible de se manifester au stade des arguments pathogènes secondaires. Il s’agit d’une projection inductive infondée. Cette dernière conclut, à partir de la sur-généralisation précédente (2), qu’une nouvelle instance va se présenter dans le futur. Une telle instance est susceptible d’être rencontrée dans la dépression (Miranda et al. 2008), ainsi que dans l’anxiété généralisée (Franceschi 2008). Dans le contexte de la dépression, une telle projection inductive présente la forme suivante :

(2)Tous les événements qui m’arrivent sont de nature négativeprémisse
(111a)L’événement futur E11 de nature négative peut se produireprémisse
(111b)∴ L’événement futur E11 de nature négative va se produirede (2), (111a)

La conclusion correspondante est susceptible de contribuer à la dépression, en engendrant notamment chez le patient un sentiment de désespoir. D’autres instances de ce type de conclusion sont : « Ma prochaine action sera moralement répréhensible » (scrupulosité), ou « La prochaine action qu’il commettra à mon égard sera mauvaise » (trouble explosif intermittent).

Le biais de confirmation

Le processus cognitif qui vient d’être décrit illustre comment la sur-généralisation contribue à la formation des idées pathogènes. Cependant, un processus de même nature est également susceptible de concourir à leur maintenance. Car une fois que la sur-généralisation (2) a été établie par le biais du raisonnement ci-dessus, sa maintenance s’effectue dès que survient une instance qui confirme la généralisation selon laquelle tous les éléments xi de la classe de référence E possèdent la propriété Ā. Ceci constitue un biais de confirmation, car le patient ne comptabilise alors que les éléments qui présentent la propriété Ā, sans prendre en compte ceux qui possèdent la propriété opposée A, infirmant alors la généralisation (2). Ainsi, dans la dépression ou l’anxiété généralisée, lorsque survient un nouvel événement négatif, le patient en conclut que cela confirme que tous les événements qui lui arrivent sont de nature négative.

On le voit finalement, les développements qui précèdent permettent d’opérer une classification des distorsions cognitives, selon qu’elles se manifestent au niveau des arguments pathogènes primaires, secondaires ou ternaires. Ainsi, parmi les distorsions cognitives qui apparaissent au stade des arguments pathogènes primaires, on peut distinguer : d’une part, les distorsions cognitives générales (raisonnement dichotomique, disqualification de l’un des pôles, minimisation/maximisation, requalification dans l’autre pôle, omission du neutre) et d’autre part, les distorsions cognitives spécifiques (disqualification du positif, requalification dans le négatif, abstraction sélective, catastrophisme). En second lieu, parmi les distorsions cognitives qui se manifestent au stade des arguments pathogènes secondaires, on peut mentionner la sur-généralisation (au stade de la formation des idées pathogènes), la projection inductive infondée, et le biais de confirmation (au stade de la maintenance des idées pathogènes). L’étiquetage abusif, enfin, est susceptible d’apparaître au niveau des arguments pathogènes ternaires.


Références

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Traitement cognitif différentiel des délires polythématiques et du trouble anxieux généralisé

Un article publié dans le Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, Volume 21, Issue 4, November 2011, Pages 121-125

La schizophrénie se trouve fréquemment associée à d’autres troubles physiques ou psychiques. En particulier, le trouble anxieux généralisé constitue un des troubles comorbides qui est souvent lié à la schizophrénie. L’association des délires polythématiques et des idées inhérentes au trouble anxieux généralisé rend plus complexe l’exercice de la thérapie cognitive correspondante, car les idées qui en résultent sont les plus souvent inextricablement mêlées. Dans ce qui suit, nous nous attachons à proposer une méthodologie permettant un traitement différentiel des délires polythématiques inhérents à la schizophrénie lorsqu’ils sont associés aux idées résultant du trouble anxieux généralisé. Nous proposons, selon le contenu des délires correspondants, une analyse qui permet, sous certaines conditions, de dissocier le contenu associé aux délires polythématiques et celui concernant le trouble anxieux généralisé, afin de faciliter l’exercice de la thérapie cognitive correspondante.